Note individuelle
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Origine de larrestation de Noëlle VICHERY, guillotinée à Arras le 27 messidor an II:
Pendant la Révolution Française, aux environs du 8 nivôse an II, le port de la cocarde tricolore est obligatoire dans le district de Saint-Pol-sur-Ternoise (62). Dans une délibération de la commune de Frévent, en date dudit 8 nivôse, on déclare Ç que la garde nationale doit faire observer la loi qui veut que chaque citoyen et citoyenne portera la cocarde tricolore, sous peine de prison pour 24 heures pour la première fois, 8 jours pour la seconde, et jusquà la paix pour la troisième È. Le meunier DALLOND, du district de Doullens, y est arrêté pour ce motif, et Noëlle VICHERY, de Camblain, passera à la guillotine.
Dans le livre " La terreur dans le district de Saint-Pol", par Marc SANGNIER, on cite les circonstances de larrestation de Noëlle VICHERY: assise devant sa porte, elle allaitait son enfant, lorsque deux commissaires aux émigrés, venant à passer lui reprochèrent de navoir pas de cocarde à son bonnet. Ç Sais-tu que je pourrais te faire guillotiner? È. La pauvre répondit: Ç quon guillotinait à Arras des gens pas plus coupables que lenfant quelle portait dans ses bras, et leur présenta cet enfant pour être porté au tribunal, jugé et guillotiné par lui È. Ces propos, rapportés à un des jurés du tribunal révolutionnaire, amena sa mort.
Arrêt en date du 22 messidor an II (10 juillet 1794) du Tribunal Criminel Révolutionnaire dArras:
Vu par le tribunal révolutionnaire établi à Arras, lacte daccusation dressé par laccusateur public près ledit tribunal à la charge des nommés: Louis Marie LEGRIS, fils de Louis Marie, négociant et voyageur, né à Desvres; Ciprien LEBLAN, fils de Bonnaventure et Marie Anne DELMOTTE, prêtre coadjuteur de la prévôté dEsbercq près de Bruges, né à Lille, 35 ans; Joseph LUÇON, époux dAnne VANDERSAN, fils de Joseph et Marie LUÇON, comédien, né à Saint Front la Rivière, district de Moutron, département de la Dordogne, demeurant à Bruges; Noëlle VICHERY, femme de Louis FOUQUART, manouvrière, née à Camblain Cambligneul, district de Saint Pol, duquel acte la teneur suit:
Laccusateur public près le tribunal révolutionnaire établi à Arras en poste quil lui a été envoyé des pièces relatives aux nommés LEBLANC natif de Lille en religieux, Joseph LUÇON natif de Saint Front la Rivière, Louis Marie LEGRIS né à Desvres, et Noëlle VICHERY femme de Louis FOUQUART native de Camblain, qui aussitôt la remise des dites pièces il les a examinées quil en résulte que: Lesdits LEBLANC, LUÇON, LEGRIS sont des fanatiques décidés et des royalistes dangereux quils ont des intelligences et correspondances criminelles avec les ennemis intérieurs et extérieurs de la France quils ont fourni des secours en hommes et argent en quittant le sol de la liberté pour se ranger du côté des tyrans coalisés et porter les armes contre leur patrie; Ladite Noëlle VICHERY a dit quon guillotinait à Arras des gens qui nétaient pas plus coupables que lenfant quelle portait dans son sein;
En conséquence laccusateur public susdit déclare accuser les susnommés dêtre des ennemis du peuple, en ayant par les faits dont il est dessus parlé, cherché à perpétuer et alimenter le fanatisme, à anéantir par la force la liberté publique, provoquer le rétablissement de la royauté, la dissolution de la Convention Nationale et lavilissement des autorités constituées notamment le Tribunal, cherchant par là à armer les citoyens contre lexercice de lautorité légitime, et à seconder les projets des ennemis de la république en altérant lénergie des principes révolutionnaires. A Arras le 19 messidor an II de la république française une et indivisible. Signé CARON.
La déclaration du juré faite à voix haute et portant à lunanimité que le fait est constant, cest-à-dire que Louis Marie LEGRIS, Ciprien LEBLAN, Joseph LUÇON, et Noëlle VICHERY sont des traîtres à la patrie, les auteurs ou complices de la conspiration ourdie contre la nation et la liberté et quils sont des ennemis du peuple; 1°) Ladite VICHERY ayant dit quon guillotinait à Arras des gens qui nétaient pas plus coupables que lenfant quelle portait dans ses bras, ayant présenté cet enfant pour être porté au tribunal, jugé et guillotiné par lui, ayant cherché par suite à avilir les autorités constituées, cherché à favoriser les ennemis de la nation française et empêcher la punition quils ont justement méritée et altérer la confiance que les citoyens doivent avoir dans les tribunaux;
2°) Les dits LEGRIS, LEBLANC, LUÇON ayant constamment développé leur amour pour la tyrannie et le retour de lancien régime ayant entretenu sans cesse des correspondances criminelles avec les ennemis extérieurs et intérieurs de la république, ayant quitté le sol français et fourni à nos ennemis des secours en hommes et en argent étant dun fanatisme sans égal et ayant cherché à fanatiser;
Le tribunal révolutionnaire établi à Arras, après avoir entendu laccusateur public et les accusés dans leurs défenses: Condamne lesdits LEGRIS, LEBLANC, LUÇON et VICHERY à la peine de mort, conformément aux articles 4, 5, 6 et 7 de la loi du 22 prairial dernier, lesquels articles ont été lus par le président sont ainsi conçus: article IV: le tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple; article V: les ennemis du peuple sont ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique, soit par la force, soit par la ruse; article VI: sont réputés ennemis du peuple: ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté ou chercher à avilir ou à dissoudre la Convention Nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain dont il est le centre; ceux qui auront cherché à égarer lopinion publique et à empêcher linstruction du peuple à dépraver les moeurs et à corrompre la conscience publique et à altérer lénergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains ou à en arrêter les progrès soit par des écrits contre-révolutionnaires ou insidieux, soit par toute autre machination; article VII: la peine prononcée contre les délits dont la connaissance appartient au tribunal révolutionnaire est la mort; Ordonne que lexécution aura lieu dans les 24 heures sur la place de la Révolution à la diligence de laccusateur public et déclare les biens des dits confisqués au profit de la République. Ainsi fait et prononcé à Arras le 22 messidor an II de la République, une et indivisible en laudience du tribunal révolutionnaire où étaient présents: Nicolas Joseph GUILLUY, président Maximilien Joseph FLAMENT Ferdinand Joseph CARON, juge Charles François PELLETIER, juge assumé pour lempêchement de Louis Auguste RICHARD, qui ont signé.
Quelques compléments et commentaires personnels sur ce qui précède:
1) Le 22 messidor an II est le 10 juillet 1794. Maximilien ROBESPIERRE fut guillotiné le 10 thermidor an II, soit le 28 juillet 1794, ce qui provoqua la fin de la Terreur. A quelques jours près, Noëlle VICHERY aurait échappé à cette exécution inique. Elle fut exécutée cinq jours plus tard que ses co-accusés. Pourquoi? Elle aurait selon une tradition orale, refusée de se rétracter ou dexprimer le moindre repentir davoir prononcé ces paroles "contre-révolutionnaires" pendant quelle allaitait un enfant. Elle a démontré queffectivement on guillotinait des gens qui nétaient pas coupables... 2) Noëlle VICHERY est née à Camblain-lAbbé le 15-12-1761. Le 2-7-1793, à Camblain, elle épouse Charles Louis FOUQUART, briseur de grès, né aussi à Camblain, le 4-1-1766. Ils ont un fils Guislain Joseph FOUQUART né le 3 germinal an II, soit le 23 mars 1794. Cest de cet enfant quil sagit dans ce "procès". Charles Louis FOUQUART épouse en secondes noces à Camblain-lAbbé le 12 brumaire an IV Ludivine Célestine LECLERCQ, et en troisièmes noces à Camblain, Léocadie PAULHAY le 27 janvier 1807. 3) Charles FOUQUART et Léocadie PAULHAY ont neuf enfants nés à Camblain entre 1808 et 1825. 4) Guislain Joseph FOUQUART décède le 5-6-1818 à Camblain-lAbbé à lâge de 24 ans, après avoir eu sa mère guillotinée alors quil navait que quelques mois, et après avoir connu deux belles-mères. Difficile de sen sortir après de telles épreuves... 5) Charles Louis FOUQUART décède à Camblain le 20-10-1831, et Léocadie PAULHAY le 8-3-1858. La vie na pas du être rose non plus pour Léocadie PAULHAY, se retrouvant veuve avec autant denfants à élever... 6) Nicolas Joseph GUILLUY, nommé en 1793 président du Tribunal Révolutionnaire dArras par Joseph LEBON, est né à Saint-Pol le 18-4-1751. Il est avocat au Conseil dArtois, puis notaire à Fruges en 1784. Après la Révolution, il redevient notaire et meurt le 25-7-1821 à Lugy.
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