Les premiers comtes héréditaires de Boulogne-sur-mer

(Voir aussi sur le présent site : Faramus de Tingry)

Les blasons des comtes et de la ville de Boulogne-sur-mer

1°) les généalogies légendaires des premiers comtes héréditaires de Boulogne/mer:

Les généalogies anciennes des premiers comtes de Boulogne ont de tout temps été suspectées d’erreurs. Une succession des comtes de Boulogne précédant Eustache I a été composée à l’abbaye de Samer, après l’époque de Philippe le Hurepel qui fit construire le château (l’actuel Château Musée de Boulogne) et restaurer les remparts de haute ville vers 1230, afin de magnifier l’ascendance des comtes et de conforter la position sociale et les avantages des moines. On y cite Régnier qui fut un comte du Hainaut, un Gui à la Blanke Barbe qui fut en fait un comte de Montreuil, Godefroid second mari de Mathilde, et même Saint Wulmer fondateur de l’abbaye de Samer!

Dans le Coutumier de Boulogne/mer édité en 1724, rédigé par Antoine LE ROY de LOZEMBRUNE lieutenant de la Sénéchaussée du Boulonnais, on cite la généalogie légendaire d'Eustache I dit à l'Œil comte de Boulogne de 1025 à 1046, résumée par ce qui suit:

1) Eustache I, fils aîné de:

2) Baudouin comte de Boulogne, fils aîné de:

4) Gui, dit Gui à la Blanke Barbe, comte de Boulogne. Il succède à Arnoul comte de Boulogne. Il est fils de:

8) Régnier, qui commit de grandes cruautés envers les Boulonnais, assassina le seigneur d’Ordre, et fut tué à Noël au retour de la chasse par les fils dudit seigneur; il est le fils de:

16) Hernequin qui lutta contre les Vikings.

2°) Une généalogie datant de 1886, établie avec rigueur en s‘appuyant sur des textes d‘époque

Selon les érudits locaux de Boulogne/mer, la généalogie citée en 1724 est erronée. En 1886, Edmond RIGAUX, membre de la Société Académique de Boulogne, en s'inspirant au mieux des chartes parvenues jusqu'à nous, écrit une généalogie d'Eustache I beaucoup plus probable. Ce qui suit est inspiré de son article paru dans le Bulletin n°5 de ladite Société.

RIGAUX démontre en citant ses sources que les premiers comtes héréditaires de Boulogne sont une branche cadette des comtes de Flandre. Le Boulonnais a été gouverné par des officiers royaux jusqu'en 900 environ, où Baudouin II le Chauve comte de Flandre le reçoit (où plutôt le prend) en bénéfice de Charles Le Simple. Adalolphe second fils de Baudouin II reçoit le Boulonnais, il est comte de 918 à 933; mais à sa mort en 933 son frère aîné Arnould le Vieux comte de Flandre s'empare de force du Boulonnais. A sa mort en 965 son neveu Arnulphe fils d'Adalolphe reprend son héritage avec l'appui du roi de France et celui du comte de Ponthieu dont il épouse la fille.

Erkenger, d’origine austrasienne était comte de Boulogne sous le règne de Charles le Simple. C’est la première fois que l’Histoire cite un comte de Boulogne: Bononiensium comes fuit Erkengarius, genere et potentia non parum egregius. C’est en fait un délégué temporaire du Roi nommé par lui. La charge de comte n’est alors nullement héréditaire. Erkenger est un personnage considérable à l’époque: en 886 il intervient auprès d’Henri de Saxe pour demander son aide contre les Vikings et en 921 il signe aux côtés de Charles un traité à Bonn avec l’empereur Henri. En 901 il est nommé commandataire de l’abbaye de Melun.

Avant 918, profitant de la faiblesse du Roi, le comte de Flandre Bauduin II dit le Chauve (Balduinus Calvus) s’empare des comtés de Boulogne et Thérouanne. Il est cité dans le cartulaire de l’abbaye Saint Bertin: Balduinus inclytus marchisus Flandriae et Boloniae. Il meurt le 10 septeembre 918 et est inhumé à Saint-Pierre de Gand.

Les deux fils de Bauduin II se partagent sa marche. Adalolphe, le plus jeune, obtient d’après le cartulaire de l’abbaye Saint-Bertin les comtés de Boulogne et de Thérouanne et ladite abbaye. A sa mort accidentelle causée par la maladresse d’un gardien de cochons le 13 novembre 933, son frère aîné Arnould I dit le Vieux s’empare du comté de Boulogne. Lambert d’Ardres déclare à tort qu’Adalolphe n’a pas d’enfants. Sur le dos d’un diplôme du Roi Lothaire du 5 mai 966 cité dans les analectes de Louvain en 1894, on lit: sed Arnulphus major filium ejusdem Balduini minorem scilicet Arnulphem, consanguineo suo Balduino cognamento Baldzoni sutriendum et custodiendum tradidit; eumdem que Baldzonem regimini totius monarchie quoque junior Arnulphus cresceret perfecit. Hic etenim Baldzo filius fuit Adalulphi qui erat uterinus frater Arnulphi magni eumdem que Baldzonem ex concubina genuit et per infortunium a proprio subulco in quendam sylva occisus interrit. Donc Adalolphe a au moins un fils naturel Bauduin Balzo tuteur d’Arnould II petit-fils d’Arnould I le Vieux. Bauduin Balzo meurt en 973, un annaliste de Saint-Pierre de Gand écrit alors: obiit Balzo filius Adalulphi comitis.

En 965 Arnould I le Vieux meurt et Lothaire s’empare du comté de Boulogne et le restitue à Arnulphe I qui épouse la fille du comte de Ponthieu lors allié de Lothaire. En 972 dans une charte d’Arnould II le Jeune donnant à Saint-Pierre de Gand le fisc d’Harnes, on peut lire à la fin: signum Arnulphi comitis bononiensis. Dans le cartulaire de Saint-Bertin, Arnould le Vieux donne en 961 l’église de Pétresse à cette abbaye; parmi les témoins on note: Balduinus filius ejus, Arnulphus nepos ipsius comitis. Ici nepos signifie son neveu et non pas son petit-fils qui aurait été bien trop jeune pour signer une charte. Une lettre du pape Jean XV, écrite à une date estimée entre 993 et 995 par recoupement avec des lettres similaires, est adressée à Arnulpho comiti, Balduino comiti eum, matri sua, Gosberto vicecomiti et Hildiardae. Il faut lire ici Arnulphe II comte de Boulogne et non pas Arnould le Jeune comte de Flandre.

Arnulphe II le successeur de d’Arnulphe I est mal connu. Son frère Eustache I dit à l’Œil lui succède et la généalogie de ses descendants est historiquement prouvée.

RIGAUX conteste aussi un point de détail des généalogies traditionnelles, dans lesquelles on déclare que Goda, soeur d’Alfred et fille d’Ethelred se remarie veuve à 50 ans en 1049 avec Eustache II. RIGAUX écrit textuellement: «en 1036 Alfred fils d’Ethelred vient en Flandre avec quelques compagnons, il refuse l’alliance des Flamands, mais accepte celle des Boulonnais.On pourrait penser que sa soeur Goda était mariée ou presque avec le futur Eustache II. Il serait étonnant que Goda fut restée veuve 14 ans, à l’époque où l’alliance avec les ducs de Normndie était si recherchée.»