Pierre et Denis WILLEPIN, à Mont-Saint-Eloi

(AD59, B1741, folio 197v)

En 1530 à Mont-Saint-Eloi, Robinet MORDACQUE et son frère, habitants dudit lieu, réclament à Guillaume WILLEPIN et ses deux fils demeurant à Maroeuil, le plat des noces qui viennent d’avoir lieu, noces auxquelles ces derniers ont participé. Après une brève altercation Robinet reçoit un coup d’épée mortel. Le plat des noces est un plat en faïence, fait et peint à l’effigie des mariants spécialement pour le jour du mariage, avec l’indication de leurs noms et la date. Le lyon d’or dont est question, prix estimé de ce plat des noces, est une monnaie d’or frappée en Flandre par le duc de Bourgogne.

Charles etc, savoir faisons à tous présens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Pierre et Denis WILLEPIN enffans de Guillaume WILLEPIN machon, natifs de notre conté d’Artois, contenant comme le premier jour de may dernier, estoit le jour des nopces de Micquiel DELALLÉE et Thoinette CRÉPIN, qui se faisoient au villaige de Mont Saint Eloy lez notre ville d’Arras, ausquelles nopces lesdits suplians estoient comme parens desdits marians, comme aussi estoient leurdit père, leur mère, et Nicolas WILLEPIN leur frère maisme qui estoit illec trencheur, ausquelles ilz danssèrent et s’esbatèrent du long après disner comme l’on a acoustumé. Un jour après soupper, ainsi qu’iceulx suplians estoient ès rues prez de la maison où se faisoient lesdites nopces, viendrent ilec à présent defunct Robinet MORDACQUE, Druame MORDACQUE son frère et pluiseurs autres dudit Mont Saint Eloy, qui demandèrent ausdits supplians et audit Nicolas trencheur, d’avoir le plat des nopces, disant qu’il leur appartenoit parce que lesdits noeupces avoient esté faites audit Mont Saint Eloy, et qu’iceulx supplians ne ledit Nicolas son frère qui estoient de Maroeul, joingnant dudit Mont Saint Eloy, ne l’emporteroient audit Maroeul ains qu’il seroit ilec dispense et que l’on en avoit ainsi accoustumé, faire et user. A quoy iceulx supplians ensemble ledit Nicolas leur frère respondirent : bien, ne prendrons point de noise, vous le aurez. A faire lesquelles demandes et responces estoit présent ledit Guillaume leur père, lequel dit ausdits du Mont Saint Eloy : enffans vous le aurez et ou cas que ne l’ayez, je vous donneray pour récompense d’iceluy ung lyon d’or ; je vous prie de prendez point de noise. En disant lesquelles paroles ledit Nicolas trencheur rentra en ladite maison où se faisoient lesdites nopces, qui alloit quérir ledit plat pour bailler ausdits du Mont Saint Eloy. Et durant qu’il estoit allé illec ledit Guillaume leur père, réitéra lesdites parolles cy dessus ausdits du Mont Saint Eloy, assavoir que s’ilz n’avoient ledit plat, qu’il leur donnerait ledit lyon d’or, dont ils ne se contentoient. Ce veant ledit Pierre dit audit Robinet qu’ilz avoient autres foiz esté en la guerre et tousiours bons compaignons ensemble et que quant l’un d’eulx avoit argent, que c’estoit aussi bien à son compaignon que à luy et qu’ils ne prenissent point de noise ensemble et qu’ils auroient ledit plat et aussy : vous oyez l’offre que mon père vous fait. Et aussi aucuns estans ilec présens disoient audits Robinet et Druame qu’ils se voulsissent contenter de l’offre que leur faisoit ledit Guillaume qui estoit un homme de bien et que puis qu’il vous promet quelque chose il le tiendra. Et lors ledit Robinet MORDACQUE en soubsriant desgaigna son espée et en frappa aucuns cops sur ledit Pierre. Et veant par ledit Pierre qu’il le vouloit oultrager et que on ruoit des pierres aprez luy et aprez ledit Denis son frère et qu’il estoit besoing eulx deffendre, autrement eussent estés occiz, desgaingnèrent comme aussi avoit fait paravant ledit Druame et ilec ruèrent l’un sur l’autre tellement que l’un d’iceulx suplians, de chaude colle donna un cop en la cuisse tirant vers l’ayne dudit Robinet, duquel brief temps aprez il seroit allé de vie par treppas. Et aussi audit débat fut blesché iceluy Druame et incontinent se retirèrent iceulx suplians audit Maroeul. Et depuis durant la maladie et paravant qu’il ait esté regairy il a dit et déclaré à pluiseurs gens qui le ont esté veoir que ledit defunct Robinet son frère et luy avoient bien mérité et acquéru ce qu’ilz avoient eu, que lesdits suplians et ledit Guillaume leur père demandoient que leur faire palisir et service. Et jasoit que iceulx suplians n’aient jamais esté reprins de justice, ne aucuns cas dignes de repréhension que le cas dessusdit dont ils sont amérement dolens et repentans (…).

Donné en notree ville de Mlines ou mois de juing l’an de grace mil cincq cens et trente et de noz règnes assavoir des Romains et Germanie le XII^e et de Castille et autres le XIIII^e ; soubscript par l’empereur en son conseil.