Jacques Franois
HENRY,
historien de Boulogne-sur-mer
Ci-dessus : portrait de Jacques Franois
HENRY en uniforme dĠadjudant du Gnie, donn par Louise Ernestine HENRY sa
petite-fille la Socit Acadmique du Boulonnais en 1883, lors de la
restauration de son tombeau. Ernest DESEILLE archiviste de Boulogne dclare que
Çsa physionomie respire une bont sympathiqueÈ[1].
Jacques Franois HENRY est n le 21-5-1755 dans la haute ville de Boulogne-sur-mer dans la rue qui sĠappelle aujourdĠhui rue HENRY (depuis 1822), et qui relie la place de lĠHtel de Ville la rue de lĠOratoire. Son pre Jacques Nicolas, venant de Montreuil-sur-mer o il est n en 1716 y a ouvert une boucherie. Il fait ses tudes chez les Frres des coles chrtiennes, o il se trouve encore en 1768 dans la cinquime classe dite classe dĠcriture et du commerce, pour lesquelles ses parents paient 3 £ par mois. Il entre ensuite au collge de lĠOratoire, mais suite au dcs de son pre en 1768, il doit arrter ses tudes pour aider sa mre Marie Anne Franoise PINCED tenir son commerce.
Mais lĠenfant studieux profite de ses quelques loisirs pour tudier seul, en particulier les langues anciennes et les mathmatiques. Quelques amis de la famille pensent que lĠtude des lois peut lui convenir, et lĠengagent travailler dans un cabinet dĠhommes dĠaffaires. Il sent quĠil nĠy russira pas, cause de son caractre rserv.
Il entre alors dans lĠadministration du Boulonnais, et il obtient peu avant 1786 la place de contrleur gographe des Ponts et Chausses, qui correspond ses gots et ses talents, et le met mme de connatre la topographie de cette rgion, lĠhistoire duquel il consacrera un jour tous ses soins. En 1792 il est conducteur des Ponts et Chausses des districts de Boulogne et dĠHesdin. Les chemins quĠil arpente, les monuments quĠil peut admirer, lĠincitent tudier et crire lĠhistoire de son pays. Ds 1790 il en crit le premier chapitre dans son Calendrier historique.
En dcembre 1789, il fait un don patriotique la Nation de boucles dĠargent pour lĠHtel des Monnaies. Aux plus sombres moments de la Rvolution, le pain manque Boulogne. Le 27 frimaire an II, le conseil gnral de la commune le fait nommer administrateur du district concernant les subsistances, le ravitaillement en bl en particulier. Il sĠacquitte de sa mission avec autant dĠintgrit que dĠefficacit, sauvant ses concitoyens de la famine. La disette conjure, il quitte les Ponts et Chausses pour entrer dans les corps des ingnieurs militaires en qualit dĠadjudant, place quĠil occupera jusquĠ sa mort. Il participe lĠpope du Camp de Boulogne en 1804 comme adjudant du Gnie charg de la surveillance des travaux de la place.
HENRY est lĠun des membres fondateurs en 1797 de la Socit dĠAgriculture, des Lettres et des Arts. Ds ses origines, cette socit regroupe des officiers dĠtat-major, des professeurs de lĠEcole Centrale du Pas-de-Calais tablie Boulogne par Pierre DAUNOU, des travailleurs de Boulogne. Son objectif est de dvelopper toutes les connaissances humaines, et dĠaider le laboureur en esprant que le peuple puisse manger sa faim. Vers 1798 il publie la Description typographique du district de Boulogne, ouvrage agr par le Conseil des Cinq Cents et publi par le ministre de lĠIntrieur afin quĠil serve de modle.
Ci-dessus : ÇUn
membre, au nom de la socit dĠagriculture et des arts de Boulogne sur mer,
fait hommage au conseil dĠune Description topographique du ci devant district
de Boulogne sur mer, par les citoyens DELPORTE et HENRY membres de cette
socit, il observe que le ministre de lĠintrieur vient dĠordonner que cet
ouvrage seroit insr dans la Feuille du cultivateur, affin quĠil serve de
modle aux administrations auxquelles il est demand des renseignements
relatifs lĠagriculture. Le Conseil accepte lĠhommage, arrte quĠil en sera
fait mention au procs-verbal et renvoye lĠouvrage la Bibliothque du Corps
Lgislatif. Collationn lĠoriginal par nous Prsident et secrtaire du
conseil des Cinq Cents. A Paris le 8 fructidor de lĠan six de la Rpublique
Franaise une et indivisible.È On observe deux signatures intressantes :
celle de Pierre DAUNOU prsident dudit Conseil, et celle de Lucien BONAPARTE
frre de Napolon, secrtaire[2].
Son nom revient souvent dans les procs-verbaux des runions de cette Socit dĠAgriculture de 1797 1819. Par exemple le 1e frimaire an VII, il est dsign pour participer la rdaction dĠun Dictionnaire des termes techniques et patois de lĠagriculture. Le 21 pluvise an VII, il prsente ses rflexions sur les paratonnerres placs sur les difices publics. En lĠan XI la demande du sous-prfet, HENRY publie une Table de conversion des anciennes mesures du Boulonnais avec les nouvelles issues du systme mtrique, signe de lĠestime dans laquelle il est tenu; on y apprend quĠune verge vaut 6,55 m, un journel quivaut 2860 m2, une gonne contient 149 litres, et un septier 168 litres.
A la veille de son dcs le 24-8-1819 il commence la rdaction dĠun Almanach lĠusage des cultivateurs et des marins.
Mais son monument est lĠEssai historique, typographique et statistique de lĠarrondissement communal de Boulogne, publi en 1810 par un diteur boulonnais courageux car peu dĠexemplaires seront vendus.
Page de garde de lĠEssai historique
(collection personnelle ; exemplaire ayant appartenu Pierre Andr WIMET
en 1962)
Cet ouvrage[3] contient tout ce quĠHENRY a pu trouver sur lĠarrondissement de Boulogne et comporte les sections suivantes:
- LĠtendue du pays et ses limites, jusquĠ lĠpoque o Jules Csar en fait la conqute ; on y trouve la signification des noms de lieux, et des cartes indiquant les deux rives du dtroit.
- La situation du mme pays depuis la retraite des Romains jusquĠ 1800 et lĠtymologie des noms de lieux. HENRY commet des erreurs sur les sanctuaires druidiques de Landrethun, mais ne se trompe pas sur les emplacements de Gsoriacum (le port) et Bononia (la ville haute), sauf quĠil fait de Gsoriacum une le. [4]
- La topographie de lĠarrondissement de Boulogne : criques, baies, rivires, fontaines, sources, chemins, temprature etc.
- LĠconomie rurale : modes de culture, instruments aratoires, assolement du terrain, anciennes mesures et leur correspondance avec celles du systme mtrique, pturages, bois, bestiaux du pays. Cette division se termine par quelques vues personnelles dĠHENRY sur lĠamlioration de lĠagriculture.
- LĠindustrie, le commerce, la navigation, la pche.
- LĠorigine des Morins, les mÏurs, coutumes, langage de ses habitants. Dans un petit glossaire du patois boulonnais, on peut lire que affolure veut dire blessure, agro : engourdi, arnu : orage, coillot : lait caill, hu : porte, gluis : botte de paille pour couvrir les toits...
- Un rpertoire des personnages importants de lĠhistoire de Boulogne. Par exemple il est facile dĠapprendre quĠen 1565 Robert de PARENTY est mayeur, Jean de MONCHY gouverneur, Andr DORMY vque.
- LĠouvrage se termine
sur le Camp de Boulogne en citant les militaires de plus haut grade qui y
interviennent.
En plus de son Essai historique, HENRY a laiss des oeuvres manuscrites, des mmoires sur lĠhistoire dĠAmbleteuse et celle de Desvres, des tudes sur les souterrains et moulins de Boulogne, et sur son climat particulier. De 1814 1819 il est archiviste de Boulogne, succdant au citoyen PATENAILLE charg le 27 germinal an II de remettre en ordre les archives ; ce dernier ne sĠen est gure occup, faute de temps et de motivation.
HENRY pouse en 1789 Marie PACQUE fille dĠun couple dĠaubergistes de la haute ville de Boulogne. LĠun de leurs enfants Louis HENRY n en 1790 est nomm par le prfet en 1833 architecte des travaux de la colonne Napolon, aprs le dcs de LABARRE architecte en titre peu souvent prsent Boulogne. CĠest sous sa direction que se fait le montage de la statue (7,5 tonnes), que la foudre endommage dj en 1849. Il fait poser des bas-reliefs en bronze, et participe au trac du jardin attenant. Louis HENRY lgue la Bibliothque le manuscrit (cot 580) de son pre, qui est une tude des chteaux du Boulonnais faite la demande du prfet. On y lit que lĠancien chteau de Boulogne se nommait autrefois le chteau de haute mure ; un manuscrit datant de 460 affirme quĠArthus roi de Grande Bretagne donna son neveu Lger le chteau de haute mure.
Extrait dĠune carte du Boulonnais (collection
personnelle), trace en 1558 par Nicolas Nicola (mort Paris en 1583),
gographe du roi de France, dite sous forme dĠatlas par Abraham Ortlius
(1527-1598 Anvers). On note le recul de la cte de 1550 nos jours. A droite
de Boullongne, on voit le village de Bollemberg. Selon HENRY (manuscrit
211) : ÇBollemberg ou Boulambert doit tre compris comme tant le Bourg
Lambert, prs de Boulogne en allant Baincthun. o il y a le Mont Lambert,
endroit o lĠon dcouvre la valle, et sur lequel on faisait des feux pour
avertir le pays lorsque le Boulonnais tait envahiÈ.
Louis HENRY a un fils Jacques HENRY, chef de bataillon au 55e de ligne, qui publie en 1868 un Essai sur une tactique lmentaire de lĠinfanterie en rapport avec le perfectionnement des armes. Son essai nĠa pas t lu avec attention par les responsables militaires de lĠpoque, si on en juge par le dsastre de la guerre de 1870-1871 ! Il meurt en 1871 des suites de blessures reues pendant ce conflit. Il fait don la Bibliothque en 1868 dĠun manuscrit (cot 211) de son grand-pre intitul Recueil de documents historiques. Il sĠagit en plus de ses recherches personnelles, de la compilation de tout ce que les Anciens ont trouv sur le Boulonnais. La mise en ordre mthodique de ce manuscrit sera lĠossature de son ouvrage publi en 1810. On y apprend par exemple quĠen plus du village nomm Baincthun, il existe un lieu-dit nomm Paincthun, hameau du village dĠEchinghen. On y lit aussi un journal dtaill du sige de Boulogne par la Ligue de 1586 1591, et un recueils de faits sur le sige de Boulogne en 1544. A propos de la Tour dĠOrdre, nomme the old man par les Anglais, Jacques Franois HENRY crit que la cause principale de sa chute est dĠabord le recul de la cte, dĠau moins 200 mtres de 1550 1800, caus par lĠimptuosit des vagues[5], le flux et le reflux de la mer. Mais en plus les Boulonnais, en extrayant dĠnormes quantits de pierres au pied de cette falaise pour les vendre aux Hollandais qui sĠen servaient pour faire leurs digues, ont acclr son croulement.[6]
LĠhistorien HENRY est affili en 1806 la franc-maonnerie. On trouve dans le courrier interne[7] de la loge de Saint Frdrick des Amis Choisis lĠOrient de Boulogne, une lettre date du 6 mai 1806 o lĠon dnonce Çles frres LAMBERT, LAURENSON, BERTRAND pharmacien en haute ville et ROGERÈ, qui ont cr une loge dissidente Selles, situe cinq lieues de Boulogne, intitule ÇSaint Napolon des Amis de lĠAgricultureÈ. Ils sont accuss dĠavoir confi Çle grade dĠapprentif plusieurs profanes dont lĠofficier de gnie de la place de BoulogneÈ, cĠest--dire Jacques Franois HENRY. LĠex-abb LAMBERT, commissaire de police de la ville de Boulogne, membre de la loge de Saint Frdrick, se plaint en juin 1806 pour expliquer cette scission que depuis quelque temps, Çquelques frres arrachent des signatures aux frres faibles, et organisent des runions clandestinesÈ. Le 7 juillet 1806, des sanctions sont prises, certains frres sont exclus, mais le 16 mars 1808 LAMBERT, BERTRAND et LHEUREUX greffier de mairie sont rintgrs et reprennent leur rang. HENRY adhre le 10-10-1807 la loge de Saint Frdrick.
Au dcs de Jacques Franois HENRY, la Socit dĠAgriculture vote une somme de 600 francs pour lui construire un monument funraire, qui est en 1883 restaur par la Socit Acadmique du Boulonnais sous lĠimpulsion dĠErnest DESEILLE, lui aussi historien et archiviste. Les inscriptions de droite et gauche du tombeau rsument sans doute bien le personnage : Çil ne connut de passions que celles du bien et de lĠtudeÈ et ÇlĠhonneur et la prosprit de son pays ont t le constant objet de ses travauxÈ.
Jacques Franois HENRY a comme petit-neveu Jean Baptiste Dsir HENRY qui est maire de Boulogne en 1870-1871 pendant la guerre franco-prussienne. La famille HENRY a bien mrit dĠavoir en son honneur une rue de Boulogne, si modeste soit-elle.
Dessin de la Tour dĠOrdre par HENRY
Marcel FOURNET
(Sources :
Archives Municipales, manuscrits et fonds ancien de la Bibliothque Municipale
de Boulogne)
La famille HENRY
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Jacques Nicolas HENRY |
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(1719-1768) |
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x Marie Anne Franoise PINCED |
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(1727-1793) |
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Jacques Franois
HENRY, historien |
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Jean Franois Esprit HENRY |
x Marie Jeanne Robertine PACQUE |
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x Marie Louise Gabrielle
LOUCHET |
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Louis Marie Robert HENRY |
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Martial Placide HENRY |
x Florale FAUDIER |
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x Marie Louise CLETON |
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Jacques Louis Thodore HENRY |
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Jean Baptiste
Dsir HENRY, |
chef de bataillon |
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maire de Boulogne
en 1870-1871 |
1-Louis Marie Robert HENRY
Professeur de dessin, il est aussi surveillant des travaux de la colonne Napolon. En 1832, son salaire de surveillant tant abaiss 1000 francs, il sĠen plaint au prfet TALLEYRAND, rappelant que son oncle Jacques Franois Esprit HENRY avait facilit en 1792 le dpart en migration pour lĠAngleterre du futur prince Charles de TALLEYRAND alors que la vie de ce dernier tait en danger. En 1833 le prfet le nomme architecte des travaux, aprs le dcs de LABARRE architecte en titre peu souvent prsent Boulogne.
CĠest sous sa direction que se fait le montage de la statue (7,5 tonnes), que la foudre endommage dj en 1849. Il fait poser des bas-reliefs en bronze, et participe au trac du jardin attenant.
Il sĠintresse aussi au chemin de fer, et imagine mme un train de Boulogne au Caire. Il dcde Marseille en 1863.
2-Jacques Louis Thodore HENRY
Chef de bataillon au 55e de ligne, il publie en 1868 un Essai sur une tactique lmentaire de lĠinfanterie en rapport avec le perfectionnement des armes. Son essai nĠa pas t lu avec attention par les responsables militaires de lĠpoque, si on en juge par le dsastre de la guerre de 1870-1871 !
Il meurt en 1871 des suites de blessures reues pendant ce conflit avec le grade de lieutenant-colonel.
3-Jean Franois Esprit HENRY
Ses tribulations pendant la Terreur
(par lĠabb G. DELAMOTTE ; extraits dĠun Bulletin de la socit acadmique de Boulogne)
A lĠHtel de Ville de Boulogne svissaient de dignes mules des extrmistes sanguinaires dĠArras et de Paris. SADET, BELLE, CATTAèRT, LISSS, et autres sans-culottes de marque, avaient remplac aux fonctions municipales le feuillant LOISON et sa coterie. Suspects de modrantisme, destitus par le reprsentant du peuple DUMONT, ces faux rpublicains avaient quitt la maison de ville pour la prison. On leur reprochait, par exemple dĠavoir sans scrupule dlivr profusion des passeports aux agents de la royaut et de la superstition. Avise, la Convention avait donn lĠordre de tenir pour non avenues ces pices frauduleuses, et dcid le chtiment des tratres.
Les Jacobins de la localit poursuivaient dĠune animosit particulirement implacable le secrtaire adjoint de la municipalit. A les en croire, cet individu vnal aurait t lĠme de cette conspiration, et en tenant boutique de ces certificats mensongers, aurait fait le jeu des ennemis de la Rvolution.
Quel tait ce fonctionnaire prvaricateur ? Comment sĠappelait sa famille ? Quels antcdents lui connaissait-on ? Quel sort allait donc lui tre fait ?
LĠinculp tait n Boulogne le 14 mars 1758. On le dsignait ordinairement sous le nom de HENRY le Jeune, pour le distinguer de son frre HENRY lĠAn, administrateur pour lors du district,historien du Boulonnais. HENRY le Jeune avait pour prnoms : Jean Franois Esprit.
Toute sa carrire sĠtait coule en sa cit natale dans lĠexercice dĠemplois publics. DĠabord commis cinq ans durant, du Directeur des Aides, il avait quitt ce poste pour celui dĠemploy au Contrle des Actes. Aprs trois ans de fonction en cette charge, et un sjour de quatre ans au greffe de la Snchausse, et un autre de cinq ans la Subdlgation, il tait devenu dĠoctobre 1789 avril 1791, commis de ville lĠAdministration de lĠOctroi provincial du Boulonnais.
Son pass professionnel lui faisant honneur, lors de la suppression de lĠOctroi, le Directoire du district avait recommand la bienveillance gouvernementale ce fonctionnaire consciencieux. ÇSon travail, avait-il crit textuellement, a toujours eu lĠapprobation de ses chefs. Sans fortune il mrite commisration.È
Aussi, soucieux dĠattacher au bureaux de lĠHtel de Ville un serviteur aussi apprci, le maire de Boulogne, le citoyen LOISON lui avait confr le titre de secrtaire adjoint le 11 juillet 1792, en remplacement de MONTLAURE.
Hlas ! Alors surtout, la Roche Tarpienne tait voisine du Capitole. Quelques mois plus tard, une rvolution de palais tant survenue, le ci-devant maire tant tomb en disgrce, son secrtaire adjoint priv lui aussi de sa charge, fut ignominieusement jett en mme temps que lui sous les verrous, peu aprs le 6 avril 1793, date laquelle il commence tre suspect.
Arrach une femme enceinte de cinq mois, et deux petits-enfants en bas ge, dont il tait lĠunique providence, le prisonnier dut de longs mois, attendre son largissement.
Les terribles logiciens de lĠpoque ne pchaient point par excs de sensiblerie. Aussi peu leur importaient les pleurs et le dnuement de femme et dĠorphelins ; pour eux le souvenir dĠune famille et dĠun pass sans taches ne comptait pas. Leur haine tait inexorable.
Eplore la malheureuse femme de HENRY le Jeune tenta cependant de les dsarmer. Aux abois, elle envoya cette poignante supplique :
ÇAux citoyens maire, officiers municipaux, et membres du Conseil gnral de la commune de Boulogne.
Citoyens, Flicit LOUCHET femme de Jean Franois HENRY crivain, demeurant Boulogne, mre de deux enfants, et dĠun troisime quĠelle porte dans son sein depuis huit mois, se trouvant actuellement sans secours, vous expose que la dtention de son mary en la maison dĠarrt des sÏurs Glaudes Abbeville, la mest hors dĠtat de se procurer et sa famille la subsistance dont ils ont besoin ; que depuis la dtention de son mary, elle sĠest vue oblige de vendre des linges et hardes tant pour subvenir aux besoins particuliers de sondit mary, Abbeville, quĠ ceux de sa pauvre famille, que bientt cette ressource va lui manquer, et quĠelle va se trouver ainsi que ses enfants, la charge commune de la Rpublique, pourquoi elle a recours vous, citoyens, composant le Conseil gnral de la commune, pour obtenir le prompt largissement de son mary, de celui qui par son travail peut la prserver et sa famille naissante des horreurs de la misre qui les menace. Elle attend de votre justice et de lĠhumanit qui caractrisent toujours les vrais rpublicains, que vous ferez droit sa juste rclamation. Sign femme HENRY.
Prsente le 13 frimaire an II (3 dcembre 1793) de la Rpublique, une et indivisible.È
Cette requte appela lĠattention du reprsentant DUMONT et de la municipalit sur le cas du malheureux HENRY. Ses papiers enfin examins, disculprent le prisonnier. Il nĠavait point vcu lui et les siens, de lĠargent de la trahison ; ses moyens dĠexistence ds la perte de son emploi avaient t ses travaux dĠcriture chez les hommes de loi, et ceux de couture de sa femme. Il tait sans peur parce que sans reproche.
DUMONT agra ces explications ; et les portes du sombre cachot furent ouvertes au prisonnier, qui va pourvoir dsormais lĠexistence des siens. Boulogne tant devenue pour HENRY le Jeune le gupier o ses jours demeuraient en danger, il partit pour Abbeville o un poste de matre dĠcole tait vacant. Ncessit fait loi. En faisant acte de candidature, il assura la municipalit ÇquĠil ferait ses efforts pour inculquer aux jeunes rpublicains de la paroisse Saint-Spulcre le peu de talent quĠil avoit acquis, et les vrais principes que la loi ordonne de suivre.È Il joignait sa demande, pour donner connaissance de son travail, un compte quĠil avait form.
Le 26 nivse an II (15 janvier 1794), Çexaminant les pices dĠcriture faites par le citoyen HENRYÈ, le Conseil gnral dĠAbbeville Çtrouva quĠelles provenaient dĠun matre habile et aprs sĠtre assur que le citoyen susdit en toit lĠauteur le reut en qualit de premier instituteur du quartier Saint-Spulcre. Il le lui accordoit 15 jours pour se munir dĠun certificat de civisme.È
In cauda venenum. Etant donnes les circonstances politiques gnrales, cette dernire clause retournait le magister dĠAbbeville dans les fourches caudines boulonnaises. A peine dbarrasse la victime retombait dans les pattes du loup terroriste.
Crnement, HENRY le Jeune revint devant ses ennemis. Le Conseil gnral de la commune de Boulogne, lĠayant renvoy au Comit de Salut Public de la section de lĠHtel de Ville pour lĠobtention de ce certificat, Jean Franois Esprit HENRY le 13 pluvise an II (premier fvrier 1794) plaida sa cause en ces termes loquents : Çlibr, le peuple dĠAbbeville me trouvant quelques talents propres pour lĠducation de la jeunesse, me choisit pour remplir une place dĠinstituteur aux appointements de 800 £. Je me rendis, il y a de cela 15 jours, pour obtenir un certificat de civisme. Je me prsentois, pour cet effet, la Commune qui me remit quelques jours. Le dlai expir, je retournais la Commune, qui mĠassigna un nouveau terme, lequel fut prorog jusquĠau dcadi dernier, o on mĠaccorda une audience. Quelle fut ma surprise, citoyens, lorsque pour un des motifs de mon arrestation, jĠentendis me reprocher que jĠavois achet pour 15000 £ de biens depuis la Rvolution, moi qui nĠen possde point pour un sou, moi qui nĠen ait jamais eu dĠautre que celui de mes bras, moi qui n sans-culotte, en ai toujours men la vie. Il est vrai que mon frre, par arrangement de famille, tant charg de me remettre 3600 £, jĠavois compt sur cette somme pour acqurir une petite maison dans quelque quartier de Boulogne ; que je peux avoir communiqu ce projet quelque ami, qui lĠaura dit une autre personne, mais rien nĠa t effectu, ni mme tent. On mĠa reproch encore dĠavoir fait des dpenses au-dessus de mes facults. Il est bien facile de rpondre ces inculpations. tout le monde sait que les notaires, les avous, et tous ceux qui ont des critures faire, mĠont donn toujours leur confiance, et cĠest que qui mĠa mis porte de nourrir ma famille. Personne nĠignore encore que je donnois des leons dĠcriture et dĠarithmtique. DĠailleurs la vie dĠun sans-culotte dans sa maison est toujours frugale, et peu de choses suffisent son entretien.
Tout le monde Boulogne sait ce que jĠai fait pour la Rvolution. Un des premiers qui ait arbor la cocarde tricolore, ds la formation de la garde nationale, ayant t nomm capitaine dĠune compagnie de chasseurs, jĠai employ toutes mes facults au maintien de lĠordre et la conservation dĠun magasin au bl, qui se trouvoit alors menac vhmentement. JĠai constamment support avec mes camarades chasseurs, les fatigues attaches la seuret de la ville, et au maintien de lĠordre. JĠtois un des premiers la prise des armes au Chteau et alors, jĠai dpens des sommes assez considrables qui ne mĠont point t rembourses. Personne alors ne mĠa fait un crime de mes dpenses, et ne mĠa demand compte de mes moyens de subsistance. Cependant ils taient les mmes que lĠan pass, puisquĠalors je jouissois dĠune place de 600 £ au Bureau des Aides et quĠen 1793, celle de greffier adjoint me rapportoit la mme somme. Il faut que je le confesse, citoyens, je nĠaurois point t dans le cas de supporter la dpense que je faisois en 1789 pour la Rvolution, parce quĠelle taient plus considrables que celles que lĠon me reproche actuellement. Mais mon frre qui rien ne cote lorsquĠil sĠagit des intrts et du salut de la patrie, me seconda alors de toutes ses facults.
Il est un fait que je rapporterai encore ici, pour prouver jĠtois dans le sens de la Rvolution. CĠest le jour que jĠallois Samer, faire la demande de mon pouse. Je trouvois mon retour la ville de Boulogne en grande fermentation. On battoit la gnrale de tous cts. Alors mon frre, me laissant peine le temps de descendre de la voiture o jĠtois avec ma mre, me prsente un fusil et je le suis au milieu du rassemblement.
Un autre fait plus marquant encore, et dont le gnral VINCENT peut rendre tmoignage, cĠest que 15 jours environ avant mon arrestation , sur le bruit que des brigands toient rassembls dans la fort de Desvres, on commanda un dtachement pour aller leur poursuite. VINCENT en toit le chef. QuĠil dise comment je mĠy comportois.
SĠil se trouve ici quelquĠun qui puisse allguer la moindre chose contre la vracit du rcit qui vient dĠtre fait, je lĠinterpelle et le somme de donner un dmenti ÉVous le voyez, citoyens, ce calme profond est le tmoignage le plus clatant que le peuple nombreux, ici prsent, puisse rendre de ma conduite.
Je ritre donc la demande dĠun certificat de civisme. je vous le demande au nom de la justice, au nom de lĠhumanit. Quoi ! Depuis 15 jours que jĠai laiss une femme prte donner un citoyen la patrie, que jĠai quitt deux pauvres enfants, qui dans ce moment ont besoin de ma prsence, pour leur porter les soins que leur mre ne peut leur donner dans lĠtat o elle se trouve prsent, on surseoiroit encore la dlivrance dĠun certificat dont jĠai besoin pour occuper une modique place qui asureroit la subsistance de ma famille. Chaque minute de retard apporte cette dlivrance est un coup de poignard que lĠon plonge dans le sein dĠune famille dsole.È
Les circonstances font les orateurs, HENRY le Jeune, styl par lĠadversit et criant justice, tait superbe dĠloquence.
A vrai dire, au milieu des siens le tableau tait navrant. Une lettre de la malheureuse femme de lĠemploy disgraci nous peint toute la dsolante tristesse de sa situation. La voici : ÇAbbeville lundy soir 8 pluvise an II (27 janvier 1794). Cher poux, jĠay receu ta lettre aujourdhuy lundy, et je mĠempresse de rpondre. La municipalit est trs surprise du retard que tu prouves pour ton certificat. Ils en sont trs impatiens. LĠinstituteur de la petite classe est toujour leurs oreilles pour leur tmoigner la fatigue quĠil prouve, et la ncessit quĠil y a que tu y sois. Les citoyens municipaux ont dcid ce matin quĠon auroit attendu jusquĠ jeudy. Un autre particulier se presente pour ta place et la postule fortement, on ne lui a rien accord jusquĠ prsent, mais le moindre retard pourroit beaucoup nous nuire. Quoique jĠai employ VENANT et PINTHIAU prier les citoyens municipaux dĠattendre un jour ou deux, et moi-mme demain jĠirai chez PICOT et DUFOURNY, quoique VENANT a d leur parler ce soir. Ne nglige point de mĠcrire, et tche de mĠenvoyer lĠexpdition de la dlibration et pour tre plus tt icy, prends le courrier de la Malle aussitt ton affaire finie. Ne perds pas de tems. Crois moi. Ou prends la diligence mercredy si il est possible, ou au plus tard samedy. car je leur dis quĠil nĠest gure possible que tu sois icy avant la fin de la semaine. Il seroit bien malheureux pour moi et mes enfans que tu perdes la place par la ngligence quĠon met Boulogne finir ton affaire. Dpeinds leur notre position, et lĠhumanit qui doit tre le guide de tout bon rpublicain, les forcera dĠacclrer la chose.
Tu ignores peut-tre que POILY est Boulogne. Il est log chez DAMBRON. Vois le sĠil nĠest pas reparty. Ne pars pas sans mĠen donner avis, et par quelle occasion le plus vite que tu pourras arriver sera le mieux, il est venu diffrentes personnes pour tĠapporter de lĠouvrage, perte de tous les cts. Juge combien je suis dsole, et peut-tre nĠarriveras-tu pas assez tt pour ma couche. Je tĠassure que je suis bien tracasse. Bien des choses de ma part tes parents. Je tĠembrasse. Je tĠatend avec impatience, et je suis pour la vie ta fidelle pouse. Sign LOUCHET HENRY.È
Le Comit de Salut Public de Boulogne mit un avis favorable la dlivrance du certificat : ÇHENRY, dit-il , a t compris dans la liste des gens suspects dresse le 24 septembre dernier, comme nĠayant pas de moyens connus dĠexistence depuis la perte de son emploi au secrtariat de la municipalit. DUMONT aprs examen, nĠa pas trouv la prvention fonde. DĠautre part, ce fonctionnaire justifie de ses moyens de subsistance, une visite domiciliaire a prouv quĠil nĠavait jamais eu de correspondance suspecte. En consquence, attendu quĠil sĠest toujours distingu par son zle et son exactitude au service de la Garde Nationale, le comit le renvoie au Conseil gnral de la commune pour y obtenir son certificat de civisme.È Les LATTEUX, BLANGY, BOIDART, DANGIS, MITOIRE, Jacques LEPORCQ, MARTIN, se firent ses garants. La municipalit nĠosa passer outre.
Enfin le monstre rvolutionnaire laissait aller sa proie. Expatri Abbeville, lĠemploy de bureau devenu magister allait pouvoir donner du pain sa famille, un instant si pauvre et si angoisse. Mais ce bonheur au temps de ROBESPIERRE ne pouvait quĠtre phmre. La terreur faisait recrudescence. Trois mois plus tard, dclar nouveau suspect, en raison de son attitude louche lors de son passage la mairie de Boulogne, HENRY le Jeune allait devoir se dfendre devant les jurs. En vain, plus humains que ses compatriotes dĠorigine, ses concitoyens dĠadoption envoyrent ptition sur ptition en sa faveur, le dclarant Çbon citoyen, bon et loyal rpublicain, digne de lĠamiti, digne de lĠestime de tous les bons patriotes.È QuĠimportait ! Les Montagnards boulonnais nĠavaient point perdu de vue leur victime. HENRY avait t un fidle lieutenant de LOISON. LOISON et son parti devait disparatre. Il fallait se servir dĠHENRY pour compromettre LOISON et ses amis. Et pour faire gravir tous ces faux rvolutionnaires les chelons de la guillotine.
Le 12 messidor an II (30 juin 1794) au paroxysme de la Terreur, le comit de surveillance rvolutionnaire de Boulogne tait runi en sance. QUIGNON-SAUVAGE prsidait, F. FOISSEY tenait la plume de secrtaire, COSTE, LEDEZ, MOLEUX, LAFOIREZ, CROUY, J. BODOIN, Ch. VOVELLE, MARTIN, Dominique GUCHE, GRISET taient prsents. Citons dans son texte leur dlibration. Le comit avait se prononcer sur les opinions publiques de HENRY, le greffier.
ÇJean Franois HENRY, lors de lĠvnement du 14 juillet 1789, fut un des premiers se passer la cocarde tricolore et organiser la garde citoyenne dont il fut un des chefs. LĠenthousiasme qui lĠemportoit toit son comble, et il persvra dans ces heureuses dispositions aussi longtemps quĠil frquenta les hommes de la Rvolution. Mais bientt se liant aux premiers conspirateurs (les prtres), il fit retraite subite et sĠattacha fortement quelques inserments ; quoique depuis longtemps on ne lui connut aucune sorte de culte ; ds lors il tomba dans le fanatisme et le royalisme, et on lui entendit souvent rpter ces mots : mon Dieu et mon Roy, cri de ralliement des contre-rvolutionnaires de toutes les poques de la Rvolution. A ce moment commencent les orgies auxquelles il assista, et la bombance de tous genres fut de permanence chez HENRY, et le prtres pestifrs quĠil avoit suivis. Cependant HENRY toit sans aucune sorte de fortune, et nĠavoit de moyens connus dĠexistence que des appointements de 600 £, avec ce quĠil pouvoit gagner dans des moments de loisir en travaillant pour les avous, ce quĠon peut valuer 600 £ encore au maximum, et si on considre la dpense laquelle il se livroit, on seroit surpris quĠelle fut moindre de 2000 £.
A peu prs au temps de la dportation des sclrats ses amis, il entra comme secrtaire adjoint au bureau municipal, et cĠest ici que prennent date les infidlits dont il est gravement suspect. On le vit alors comme de permanence chez la veuve NOLY et PARKER, auberge loue pour ne pas dire vendue toute la horde des ennemis extrieurs et intrieurs de la Rpublique. Il toit aussi fort assidu dans les maisons o sĠtoit retire cette engeance perverse dĠtrangers dont la commune de Boulogne toit inonde : on lui en fait des reproches et il a rpondu que ses dmarches nĠtoient point criminelles, quĠil sĠy abandonnoit parce que les personnes auxquelles il avoit remettre des certificats de rsidence ou de passeport, le gratifioient de 5 10 £ et quelquefois plus, et que ces remises lĠaidoient faire la dpense borne quĠon lui reprochoit.
Mais le fait est quĠHENRY avoit une agence active, dans la dlivrance des actes dont sĠagit. A cet effet, il sĠtoit li intimement avec lĠimmonde et cupide BARSE, quĠune mort prmature a ravi la guillotine ; on lĠa vu souvent encore, bien avant dans la nuit, dans la Chambre du Conseil de la commune avec DELARUE ; il toit aussi le protg de LOISON ex-maire, de BLANGY, et de plusieurs autres dont les nomenclatures chappent maintenant au Comit. Il protgeoit son tour DUBUARD, les CLAIRET, et autres abonns aux certificats de rsidences, de messieurs les contre-rvolutionnaires. Il a sign lui-mme antrieurement sa commission de secrtaire adjoint plusieurs de ces certificats ; il fut tabli gardien des effets dlaisss par BALIN le dport, et on ne sait ce que sont devenus ces effets. Enfin, il montoit une boutique dĠindiennes, mousselines, et au moment o il fut frapp dĠarrestation, en excution de la loi du 17 septembre dernier (stile esclave), on observe quĠil fut expuls de la commune peu prs en juin prcdent. Au surplus, HENRY est regard par toute cette commune comme lĠennemi de la Rvolution, et les preuves en existent dans les sentiments de tous les habitans de Boulogne.È
Un tel rquisitoire appelait sur lĠinculp la peine de mort. LĠex-employ de la mairie de Boulogne tait en prison Arras. SIMENCOURT le secrtaire du comit de surveillance de Boulogne, sĠempressa dĠappeler lĠattention du proconsul dĠArras sur le malheureux accus. Avant de lĠexcuter, il importait dĠen faire un dlateur, de tirer de lui tous les renseignements confidentiels susceptibles de compromettre ceux qui avaient t ses amis. Le 14 messidor an II (2 juillet 1794), SIMENCOURT et GUCHE lĠan crivirent Joseph LEBON : Çnous tĠavertissons que le nomm HENRY peut donner de grands renseignements sur la conduite quĠa tenue lĠancienne municipalit envers les trangers.È
Les complices boulonnais de ROBESPIERRE rvaient pour cette ville une vaste et terrible hcatombe. Le sang nĠavait point suffisamment coul.
Retour des choses, cĠest pour les terroristes que lĠheure du chtiment tait venue. Lasse de tant dĠhorreurs, la Convention sĠtait enfin dcide faire justice des assassins. Dix jours plus tard, ce nĠtait pas HENRY le Jeune qui gravissait les degrs de lĠchafaud, cĠtaient ROBESPIERRE et ses complices. LĠatroce rgime avait pris fin, la France respirait. Rendu la libert, revenu Boulogne, Jean Franois Esprit HENRY mourut le 30 avril 1808.
Outre une fille Pauline, Jacques Franois Esprit HENRY a trois fils :
a) Flix Franois HENRY n le 8-3-1791 Boulogne, qui pouse le 28-4-1817 Jeanne Franoise POSTEL. Il monte un tablissement de fabrication et vente de meubles rue Siblequin. Cette famille est frappe par le malheur : dans la nuit du 1-3-1842 un incendie dtruit tout et cause lĠasphyxie du pre, de sa fille et de son fils an.
b) Charles Edouard HENRY, n le 12-12-1793 Abbeville, qui pouse le 6-9-1807 Justine DUBOIS. En 1816 il entre dans lĠinfanterie royale, finit sergent et est libr en 1826, aprs avoir obtenu le brevet de matre dĠarmes . Il cre alors Boulogne une salle dĠescrime et un tablissement de bains chauds. Il meurt en 1874.
c) Martial Placide HENRY, n le 7-6-1792 Boulogne, qui pouse le 2-5-1820 Marie Louise Augustine CLETON. Entr au service de la marine Anvers en 1812, il est sergent des grenadiers en 1813, et fait les campagnes de Belgique et de France. Il est adjudant de la garde royale en 1816, rform en 1820 et devient ngociant rue Neuve Chausse. Il fait partie en 1819 de la loge franc-maonnique dite Loge de Saint Augustin de la parfaite intelligence du Grand Orient, puis de la Loge de lĠAmiti Boulogne. Il dcde le 25-10-1831, ayant eu trois filles et un fils Jean Baptiste Dsir HENRY. Marie CLETON est par sa mre une petite-fille de Michel Franois DUBUISSON, n Enocq en 1716, huissier en la Snchausse du Boulonnais, et historien de Boulogne qui crit entre autres : Recherches sur les antiquits du Boulonnais et aussi une Dissertation sur les reliques o il dclare que la relique de Boulogne contenant le sang du Christ est fausse. (Source : Les DUBUISSON du Boulonnais par Michel CHAMPAGNE).
4-Jean Baptiste Dsir HENRY
Buste de Jean Baptiste Dsir HENRY situ au
cimetire de lĠest Boulogne
Jean Baptiste Dsir HENRY, est n le 28-1-1823 Boulogne. Le 15-6-1855 il pouse Paris (2e) Marie Reine Franoise SAUVAGEOT, et dcde Boulogne le 22-2-1888 sans descendance.
Il fait ses tudes Paris o il obtient le baccalaurat s-lettres en 1843, et le doctorat en droit en 1848. Il exerce Boulogne pendant 30 ans la fonction dĠavocat.
Dsir HENRY, lors conseiller gnral, est nomm maire de Boulogne le 14-9-1870 par le gouvernement de dfense nationale pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, suite la dmission de son poste de maire du docteur LIVOIS qui nĠaccepte pas, selon le journal lĠImpartial, quĠune partie des Parisiens impose depuis le 4 septembre son gouvernement la France entire. LIVOIS demeure quand mme au conseil municipal et assiste alors HENRY de son exprience en tant que premier adjoint.
Dsir HENRY oeuvre au mieux pour le bien-tre des Boulonnais, des soldats blesss ou malades, et pour lĠorganisation de la dfense de la France envahie.
Une note assez ngative sur Dsir HENRY : en 1871 il chasse de son emploi dĠarchiviste de Boulogne lĠabb Daniel HAIGNER qui critique le gouvernement dans le journal lĠImpartial . Ernest DESEILLE sucdera HAIGNER.
Quelques unes des dcisions du conseil municipal sous son majorat, extraites des dlibrations du conseil municipal (AM Boulogne, ouvrage cot 1D29) :
- Suite aux vnements du 4-9-1870 (dchance de Napolon III et proclamation de la Rpublique), la dnomination Boulogne du Boulevard de lĠImpratrice, nĠa plus sa raison dĠtre. HENRY propose lĠappellation boulonnaise de Boulevard DAUNOU, en hommage lĠhomme qui, pendant sa longue existence, se fit un bonheur de rendre service aux Boulonnais, surtout aux plus humbles et aux plus jeunes.
- Ds le dbut de son majorat le 25-9-1870, il propose que, Boulogne tant ville ouverte, il est inutile dĠy maintenir des force considrables qui pourraient tre employes ailleurs ; il invite les prfets des dpartements voisins se runir pour organiser la dfense du pays : 200000 hommes pourraient ainsi tre levs. Il est vot un emprunt de 400000 francs pour les dpenses relatives la dfense et au soulagement des misres locales. Le service dĠordinaire de la Garde Nationale est install au Chteau.
- Le maire octroie des crdits supplmentaires au Bureau de bienfaisance : 9500 francs dont 6500 pour le pain, et un budget supplmentaire pour lĠhospice. Il rgle ses frais au chef dĠorchestre de lĠtablissement de bains.
- En hommage lĠingnieur Pierre MARGUET qui a particip la construction des digues, n Paris le 14-8-1785 et dcd Lausanne le 29-11-1870, on dcide que le le barrage clus qui fait face la place Frdric SAUVAGE portera son nom.
- Le 3-2-1871 a lieu une dlibration sur le collge communal (lĠactuel Lyce Mariette) au cours de laquelle on exprime le regret de la suppression de lĠaumnier, dont le service est fait par le vicaire de St Nicolas. On estime que 6 heures par semaine sont insuffisantes pour assurer une ducation religieuse bien ncessaire pour former les jeunes gens la vertu et conserver leurs bonnes moeurs.
- Le 4-9-1870 le conseil accepte le testament de Mme DELAHODDE ne ISAAC, qui lgue 40000 francs aux pauvres du faubourg de Brecquerecque.
- Suite au dcs de Mgr HAFFREINGUE, le conseil demande que son corps soit inhum dans lĠglise Notre Dame, dont il est le crateur, et quĠil a lgue la ville pour le service du culte.
- A cette poque, on parle du projet dĠouverture de la rue Beaurepaire, on tablit un chemin de communication du Portel Boulogne, on assainit la Ruelle cochons situe Rue de Constantine.
- Les indemnits et salaires annuels sont fixs ainsi par la ville: 2500 francs au prpos en chef de lĠoctroi, 4000 fr au commissaire central de police, 50 fr un adjudant de la garde nationale ; lĠindemnit de logement au trois curs de la ville est de 1000 fr .
- Le 21-4-1871, Mr LIPSIN conseiller fait un rapport sur les archives municipales de Boulogne. Elles contienent 360000 pices qui doivent tre classes en trois groupes : archives municipales modernes ; archives anciennes contenant 1683 articles rpartis en 181 registres ou portefeuilles et qui avaient t classes en 1785 par la mayeur LE PORCQ de Lannoy ; archives dpartementales et ecclsiastiques comportant 1100 articles, qualifies de trsor au point de vue de la science et des intrts municipaux car les archives des tablissements religieux renferment des documents pour la solution de questions de voirie et de droit de proprit. LIPSIN dclare notamment : nos archives ont eu subir beaucoup de viccissitudes ; lĠinvasion anglaise dtruisit ou enleva ce qui se rattachait notre histoire communale antrieure au XVIe sicle ; la rvolution de 1793 dispersa celles runies depuis cette poque et les dmnagements successifs quĠelles eurent subir, non moins que lĠtat dplorable dans lequel on les laissa trop longtemps en firent un amas presque sans forme, une espce de chaos, dont une main aussi patiente quĠhabile pouvait seule les tirer. Il rappelle que la place dĠarchiviste fut cre le 3-6-1837 et confie Franois MORAND.
- Les 27 et 28 avril 1871 ont lieu des dlibrations concernant lĠorganisation, la gestion, les tudes au collge municipal. On y dnonce lĠimprialisme du latin, comme aujourdĠhui on vitupre lĠimprialisme des mathmatiques. Selon Achille DUTERTRE : les aspirations modernes portent les gnrations actuelles vers la science ; donnons moins de temps aux discours latins et aux vers, tudions les choses plus srieuses comme le font les Anglais et les Allemands. Alfred HULEU dit mme que neuf ans dĠtude du latin abrutissent les enfants. Lors dĠun autre dbat, FAVEROT dclare : nous riions il y a quelques annes de voir lĠAllemagne rduire lĠenseignement des mots (les belles lettres) pour lever lĠenseignement des choses (les sciences) ; une preuve cruelle vient de nous montrer que les peuples dĠoutre Rhin nĠont pas eu tout fait tort. On apprend que pour lĠanne 1871-1872, il y aura moins de professeurs littraires et de mathmatiques, et que les salaires annuels de ceux-ci seront en francs: 3000 pour le professeur de philosophie et rhtorique, 2000 pour celui dĠhistoire, 2000 et 2200 pour ceux de mathmatiques et sciences, 1000 pour celui dĠanglais et 600 pour celui dĠallemand, 1600 pour lĠaumnier, 400 et 200 pour ceux qui enseignent le dessin et lĠcriture, 1500 pour chaque rgent de franais. Comme nouveaut il y aura un matre dĠarmes rtribu 800 francs : lĠheure de la revanche sonne dj au collge municipal !
Le 12 mai 1871 une nouvelle assemble communale est lue et le snateur HUGUET succde HENRY comme maire de Boulogne.
Marcel FOURNET.
Sources : archives municipales et fonds ancien de la Bibliothque Municipale de Boulogne.
[1] Source : manuscrit 796 de la Bibliothque dite des
Annonciades
[2] Source : manuscrit 796 BM Boulogne
[3] Dont un exemplaire se trouve la Bibliothque Municipale sous la cote Z1165.
[4] Voir Bononia nĦ43 : article de C. SEILLIER et A.
DEMON
[5] A ce propos, il semble quĠaux alentours de 1600, les
temptes soient frquentes et violentes, comme le suggrent les notes de Jehan
MARETZ (n Paris) cur de Boulogne Saint-Nicolas dans les registres
paroissiaux des baptmes:
- 13 avril 1603 : ÇCe dit jour fut une telle
tempeste par le diocse de Boullogne que lĠglise Saint Nicolas fut presque
toute descouverte et plusieurs maisons et granges renversesÈ.
- Mars 1606 : ÇLe vingtseptiesme de mars 1606 il fust une telle
tempeste de vent depuis sept heures du matin jusques midy que de mmoire
dĠhomme lĠon ay ce ouy parler. Presque toutte lĠglise Saint Nicolas fust
dcouverte et une partie de lĠglise Notre Dame et de Saint Willemer et de
Saint Franois, et se trouva peu de maisons qui ne fut endomages de ceste
tempeste, la mer fust jusques dedans le logis de Berthelemy VASSEUR.È
- Octobre 1612 : ÇLe mercredy dixseptiesme dĠoctobre veille de
Saint Luc fut un tel vent et tempeste avec le tonerre depuis onze heures du
matin jusques quatre heures du soir que plusieurs esglises furent
descouvertes principalement celle de Saint Nicolas et une partie des verrires
rompues, et une infinit de maisons ruines tant par les villes quĠaux champs,
et depuis Boullogne jusques Denquerque cinquante cincq vaisseaux perdus la
plus grande partie harengueux et furent noyes plus de trois cens personnes,
toutes fois grce Dieu il nĠy eut nul de ceste ville et est remarquer que
depuis le premier jour dĠoctobre jusques au douziesme de janvier 1613 il ne se
passa jour ou nuict quĠil ne pleut avec tempeste, et principalement le jour de
Saint Andr jusque au quatriesme de dcembre fut une tempeste continuelle et
admirable aux humains tant par mer que par terre. Il y eut huict grands
vaisseaux marchans la coste de Boullogne et presque tous les hommes nois, et
nous a est rcit par quelques mariniers dignes de foy que depuis les costes
de Bretaigne jusques la Fresingue il y eust plus de cinq cens voiles perdues
durant ce misrable temps cy dessus mention.È (source : archives
municipales)
[6] Ds 1617 les mayeurs et chevins de Boulogne interdisent lĠextraction de pierres dans la falaise de la Tour dĠOrdre, conscients que cette extraction acclre son recul, lequel sera fatal en 1641 cet difice. Une ordonnance du 26 janvier 1618 stipule : Ç deffences sont faictes toutes personnes de quelque condition quĠilz soient, de rompre et enlever aucunes pierres pour bastir, du cost de la Tour dĠOrdre, du Moulin Wibert, sous peine de confiscation des chars chevaulx et ustenciles, et de 20 £ dĠamende.È (Source : archives municipales) Les Boulonnais bravent cette interdiction, et sont souvent en procs avec la municipalit. LĠun dĠeux est mme poursuivi pour avoir enlev et vendu le poteau Çpos proche du dit lieu, auquel il y avoit un placart contenant les deffenses dĠextraire lesdites pierres, et un carcan de fer attach pour donner crainte aux contrevenans.È
[7] Voir le cahier 109 du Fonds Michel de SAINTE MARVILLE la BM de Boulogne.