Jehan LE CONTE, à Arras

(AD59, B1735, folio 53)

En 1523 à Arras, après avoir dîné en compagnie de son curé, Jehan LE CONTE rencontre dans la rue Jehan du RIEZ et lui demande pourquoi il le fait citer devant un tribunal. Ce dernier répond que c’est à cause d’une dîme impayée par le beau-père dudit Jehan LE CONTE. Pu après les deux hommes se fâchent, et Jehan LE CONTE tue Jehan du RIEZ d’un coup de couteau dans la poitrine.

Charles, etc, savoir faisons à tous présens et avenir, nous avoir receu l’umble suplicacion de Jehan LE CONTE, josne filz à marier demourant au villaige de Wally en notre pays et conté d’Artois, contenant comment le mardi XXIII^e de février dernier passé en cest an XV^CXXIII, ledict supliant se trouva sur le petit marchié de notre ville d’Arras, à intencion de trouver compaignie pour aller disner, où il trouva le curé dudict Wailly, environ neuf ou dix heures du matin, ung nommé VIGOREULX et autres, avec lesquelz il disna ledict jour en la taverne du Beuf Couronné, séant sur le petit marchié. Et après y avoir esté jusques environ douze ou une heure, et qu’ilz eurent prins leur repas, ledict suppliant sortist de ladicte taverne , et au sortir perchut que feu lors vivant Jehan du RIEZ dit Trompereau, dudict villaige de Wally, se promenoit sur ledict petit marchié. Et incontinent ledict suppliant alla vers ledict du RIEZ et commencèrent à promener ensemble. Et en promenant, icellui supliant demanda audict du RIEZ pour quelle cause il l’avoit fait citer pardevant l’official d’Arras. A quoy ledict deffunct respondi que c’estoit pour disme des porceaulx, aigneaulx de laines, et autres choses que Colard LE SEL beaupère dudict suppliant lui devoit. Sur laquelle responce, ledict supliant dit audict du RIES : pourquoy ne le poursievis vous point en son vivant ? Et ce dit, ledict du RIEZ respondit que s’il estoit besoing, qu’il en feist serment qu’il le feroit. Et ce oyant, ledit ledict supliant dit audict du RIEZ que ce n’estoit le premier serment qu’il avoit fait. Et sur ces parolles desmentirent l’un l’autre sans faire autre envahye, et ce fait se départirent, et se tira ledict supliant sur le grant marchié de notredicte ville, à intencion de acheter des brebis. Et certain temps et tost aprèsretourna audict petit marchié, oùil trouva derechief ledict curé de Wally estant en la taverne de Le Balance en laquelle ledict suppliant entra et sans sermoner s’en départirent ensemble, ledict curé et lui, et allèrent en la rue des Balances, en laquelle il laissa ledict curé. Et de là ledict suppliant revint audict marchié, où illec estant audevant de la Neufve Halle, lisant en aucuns livres que avoient aucuns merchiers y estalans, vint à lui supliant ung nommé Jehan CARNAIGE dudict Wally, lequel se pormenoit avec ledict feu du RIEZ sur ledict petit marchié, et avec eulx ung autre homme aussi demourant audict Wally nommé Jehan DAUCHEL, lequel CARNAIGE dit audict supliant qu’il le venoit quérir pour aller veoir et parler à Martin DAUCHEL dit Leu, et à Colard DE LE CAMBRE habitans dudict Wally, lesquelz estoient pour lors détenuz prisonniers pour les tailles dudict lieu ès prisons de le Court le Comte. Et sur ce s’en allèrent ensemble lui supliant, lesdicts CARNAIGE et du RIEZ èsdictes prisons, où ilz parlèrent ausdicts LE LEU et de LA CAMBRE pour les trailles d’icelle prison, respondant sur les rues, et y furent devisans demi quart d’heure ou environ, et aprez qu’ilz eurent devisé et communicqué avec lesdicts prisonniers, ledict supliant et icellui feu du RIEZ retournèrent ensemble sur ledict petit marchié.

Et en se retournant, se meurent drechief parolles entre eulx pour raison de ladicte citation, et demanda drechief ledict suppliant audict feu du RIEZ pourquoy il le avoit fait citer, à quoy il respondit que il luy avoit dit, et que se il estoit besoing qu’il en feroit serment.Et drechief desmentirent l’un l’autre, et doubtant par icellui supliant que ledict du RIEZ ne se demonstroit fort esmeu de couraige, ne le voulsist outraigier d’une cugnette qu’il avoit à sa chainture, icellui supliant d’un cousteau qu’il attaindit de sa gippesière, frappa un seul cop ledict feu du RIEZ et le atteindit en la poitrine, duquel cop il seroit décédé environ demy heure aprez, à l’endroit de l’église de la Magdelaine prochaine du lieu où se resmeut la noise.

Et combien que ledict supliant soit dudict cas griefment desplaisant, toutesvoyes il doubte que ledict official lequel l’a fait constituer prisonnier ne veulle asseoir sentence contre luy, et luy affliger la paine deue aux homicides, n’est que notre grace et miséricorde lui soit sur ce impartie, pour laquelle attendu ce que dit est, et meisment qu’il s’est en tous autres cas tousiours honnestement conduit, et que ledict cas a esté par luy commis par chaulde colle (…). Donné en notre ville de Malines le jour du Vendredi Saint ou mois de mars l’an mil cincq cens vingt et trois, et de noz règnes assavoir de celuy des Romains et Hongrie le cincquiesme, et des Espaignes le neufiesme ; par l’empereur en son conseil ; signé Verderue.

[sermoner = parler en public ; envahye = attaque]