Brève notice sur Jean-Baptiste
ISNARDY
(par Marcel FOURNET)
Jean-Baptiste ISNARDY est né en 1749 à Puget-Théniers, commune du comté de Nice faisant partie à cette époque de l’Etat Sarde, fils d’un homme de loi, probablement notaire.
Il fait ses études à Toulon chez les religieux oratoriens qui lui assurent une excellente formation. En effet on y apprend autant à réfléchir qu’à croire, on y fabrique des têtes plutôt bien faites que bien pleines. Il embrasse l’état religieux à son tour et devient professeur dans un collège d’Arras (62, Pas-de-Calais) tenu par les Oratoriens. Sans la Révolution il serait devenu supérieur de cet établisement.
A la Révolution de 1789 les ordres religieux sont dissous et leurs biens (livres en particulier) sont saisis au profit de la Nation. Isnardy adopte les idées nouvelles. En 1793 il dispense à Arras des cours du soir aux personnes illettrées.
En 1795 sur
l’instigation de Pierre DAUNOU[1]
président du Conseil des Cinq-Cents, on crée dans chaque département une Ecole
Centrale, équivalent de nos collèges et lycées actuels. Celle du Pas-de-Calais
est fixée à Boulogne-sur-mer. Jean-Baptiste Isnardy est chargé de former la
Bibliothèque de cet établissement. En 28 jours
il trie, parmi les quelques 180000 livres des dépôts saisis aux ordres
religieux environ 9000 volumes dont 85 manuscrits. De ce concours de circonstances, vient l’originalité du
fonds ancien de la Bibliothèque de Boulogne :
* D’abord les manuscrits. Le plus ancien date du VIIe
siècle : ce sont des œuvres « de Saint Ambroise ». Par ceux qui
sont enluminés, il faut citer tout particulièrement ceux qui proviennent de
l’abbaye bénédictine de Saint-Bertin, où furent exécutés sous la direction de
l’abbé Otbert, qui en peignit parfois lui-même les mignatures, entre autres un
magnifique « Psautier » ainsi qu’une « Vie de
Saint-Bertin » du Xe siècle. Et aussi : ces magnifiques
« Phénomènes » d’Aratus, également du Xe siècle, où l’on
peut voir de curieux dessins de constellations, un « Evangéliaire »
breton du IXe siècle, dont l’une des miniatures orne la couverture
de la « Psychologie de l’Art » d’André Malraux, le spendide «
Evangéliaire » d’Hénin-Liétard, du XIIe, une
« Bible » dite de Saint André du Bois, également du XIIe
siècle, jusqu’à une « Cité de Dieu « et un « Pontifical
Romain » d’origine italienne, du XVe..
* Les 85 incunables (ce sont on le sait, les livres
imprimés au XVe siècle) comprennent de nombreux livres à figures,
des impressions faites par Antoine Vérard et aussi l’exemplaire d’un
« Saint Augustin » imprimé dans le premier atelier qui fonctionna en
Italie, au monastère de Subiaco, en 1467. Les imprimés des XVIIe,
XVIIIe et XIXe siècles ne contiennent pas seulement les
classiques éditions originales des « Provinciales », les non moins
classiques éditions de Racine et Corneille, accompagnées de celles de Molière
et de Rousseau, et des « Fables » de La Fontaine, mais aussi, et l’on
retrouve là le physicien et le chimiste
qu’était ISNARDY, de nombreux livres de
sciences dont l’intérêt historique (et bibliophilique) est considérable :
éditions originales de Lavoisier, ouvrages d’histoire naturelle somptueusement
illustrées en couleurs, livres d’anatomie et jusqu’à la très curieuse
« Histoire des Insectes » de Swammerdam, où l’on peut admirer, très
finement gravés, les insectes vus au microscope.
Isnardy se marie ensuite en 1802 à Boulogne avec Victoire
ADAM fille d’un banquier[2].
Il reste bibliothécaire de la ville jusqu’à sa mort en 1830 à l’âge de 81 ans, après avoir été aussi conseiller municipal dès 1820. Si notre
Jean-Baptiste Isnardy a dû souvent rêver avec nostalgie au soleil et à la
luminosité du ciel de Puget-Théniers, l’air marin vivifiant de Boulogne/mer et
la consommation régulière de poisson ont dû contribuer à sa longévité
exceptionnelle pour l’époque !
La Bibliothèque Municipale de Boulogne est encore
aujourd’hui une des plus riches de France et même d’Europe, et cela grâce à
Isnardy qui laissera le souvenir dans sa ville d’adoption d’un homme de bien à
tous les sens du terme.
[1] Né à Boulogne en 1761, lui aussi prêtre oratorien rallié à la Révolution, homme politique, historien, académicien, mort en 1840 à Paris.
[2] La Banque Adam, fondée en 1784 de développe considérablement durant un siècle, elle comptera 150 agences en France, jusqu’à sa disparition en 1930 ayant été victime … d’un escroc. Il y aura deux maires de Boulogne du nom Adam.