Anthoine de HƒRIGNIES, ˆ Lens

(AD59, B1743, folio 70)

 

En 1531 ˆ Lens, Anthoine de HƒRIGNIES et autres rŽveilelnt un cabaretier ˆ dix heures du soir pour banqueter. Pendant le repas Anthoine, assis prs de Catherine fille de lÕaubergiste, la taquine et fait tomber son fronteau. Une fois le repas payŽ, les convives sÕapprtent ˆ partir, mais ledict Anthoine, voulant souhaiter la bonne nuit ˆ Catherine, se dirige vers sa chambre et demande ˆ la mre si sa fille ne veut pas venir avec lui. SÕensuit une rixe o Anthoine de HƒRIGNIES finit par tuer la femme du tavernier de plusieurs coups de couteau.

 

Charles, etc, savoir faisons ˆ tous prŽsens et avenir, nous avoir receu lÕumble supplication de Anthoine de HƒRIGNIES et Loys DU PIN, contenant comme, puis certain temps en ˆ, lesdits supplians estans venus en notre ville de Lens pour aucuns leurs affaires, accompaigniez de sire Guillaume BRIDE prtre, Jehan JOVENET et Robert DARDENNE, sÕadvisoient par ung soir dÕaller bancqueter au logis de Jehan BLANCQUART carbartier audit Lens. Et aiant fait provision dÕung lot de vin et cervoise, environ dix heures du soir, hurtrent ˆ lÕhuis dudit BLANCHART, requŽrans dÕy entrer. A quoy ledit BLANCHART, estant desiˆ couchiŽ se condeschendit et leur fist par une de ses filles ouvrir lÕhuys. Estans entrez, fut la table couverte et sÕassirent pour bancquetter. Si requist ledit Anthoine ˆ lÕhoste de vouloir bancqueter avec eulx et sa fille, que fut aussy accordŽ. de sorte que, lÕune desdites filles nommŽ Catherine sÕassist auprs de luy Anthoine suppliant. Et aians bancquettŽ certain tamps, se mist ˆ deviser ˆ elle, et en ce faisant et jouant, luy osta son fronteau quÕil avoit sur ses cheveulx, dont elle ne fust contente, en tant que, en se faisant, puelt estre que avec ledit fronteau il frossa et luy fist mal aux cheveulx. Quoy veant, ledit Jehan JOVENET qui bancquetta avec eulx dist ˆ lÕhoste quÕil compta lÕescot, et quÕil estoit tamps dÕaller couchier. LÕescot comptŽ et payŽ, se levirent tous pour sÕen aller, et dist ledit JOVENET audit HƒRIGNIES suppliant : allons nous en couchier. Sur quoy il dist : allez, je mÕen viengs, ou semblables parolles. Et pour dire la bonne nuyt ˆ ladite Catherine, que avoit estŽ malcontente, de ce que son fronteau avoit estŽ ostŽ, rentra en la chambre dont il estoit sorty pour sÕen aller, laquelle il trouva auprs du lict de sa mre nommŽe Jehenne DEMMERIN. Et approchant dÕelle disant la bonne nuyt, luy demanda sÕelle ne voldroit venir avec luy, ou samblables parolles. Quoy oyant ladite Jehenne, le prenant merveilleusement de mal part, saillist sur piedz et print ledit Anthoine par le colet et la barbe et nes auroit dire ledit Anthoine se ladite Catherine sa fille lÕassistoit ˆ le tenir ou non. Et fut tenu si ferme quÕil ne povoit eschapper, et crya ladite Jehenne aprs son mary qui estoit en la salle devant, disant : venez icy, cest homme nous fera dŽshonneur. Ce oy, vint en ladite chambre et, veant que sa femme tenoit ainsi icelluy Anthoine, luy osta son espŽe du foureau et la gectist dessoubz le lict. Et oyant ledit Loys DU PIN que ledit Anthoine estoit ainsi oultraigŽ et malmenŽ, sÕeffora dÕentrer en ladite chambre. A quoy fust rŽsistŽ par ledit oste et le print par le colet et dÕung costeau quÕil avoit blescha fort icelluy Loys s bras et autres lieux de son corps et nÕeust estŽ quÕil estoit vestu dÕung buffelŽ, fut estŽ tuŽ. Et ce fait, rentra ledit oste en ladite chambre et ferma lÕhuys et le tient cloz contre ledit Loys qui hengoit tousiours dÕy entrer et secourir ledit Anthoine. Durant lequel intervalle, demoura ledit Anthoine sy fort tenu quÕil ne povoit eschapper, cryant nŽantmoins tousiours : laissiez moy aller, ou je te tueray, ayant un pot en sa main faisant signe de le ruer aprs lÕhoste, ce quÕil fist. Parquoy ledit hoste, dÕune espŽe nue quÕil avoit, sÕavancha de frapper et darder aprs luy. Et fust la chandeille estainte, dont icelluy Anthoine bien estonnŽ et perplexe, crya plus fort que devant : laissiez moy aller, ou je vous tueray, sÕescriant aussi sur ledit Loys et son serviteur qui estoit encoires devant lÕhuys de la chambre pour estre assistŽ. A quoy ledit Loys respondit : je suis tuŽ, je ne vous puis aydier, dont ledit Anthoine, plus estonnŽ, craindant la mort, requist de rechief dÕestre laissŽ ou quÕil tueroit celle qui le tenoit, ce que ladite Jehenne ne voulist faire. Parquoy ledit Anthoine, pour garantir de son corps de la mort, ayant ouy que lÕhoste avoit dit ausdites femmes : je vous renonche se vous ne luy coppez la geulle, combien quÕil ne scavroit ce prouver parce quÕil nÕy avoit aucun tesmoing prŽsent, tira ung cousteau taillepain estant sur le foureau de son espŽe, et en donna aucuns cops, ne scauroit dire o, ˆ ladite Jehenne qui les sentant crya : JŽsus je suis morte. Et lÕhoste, oyant le cry de sa femme, ouvryt lÕhuys de la chambre, de son espŽe frappa de ˆ de lˆ pour eschapper de ceulx qui estoient devant la porte. Et en fuyant eult ung cop dÕespŽe dudit Loys en sa teste dont il fut quelque peu bleschŽ. Et par ce moyen, eschappa ledit Anthoine des mains dÕeulx et de la maison. Touttesfois ilz ont entendu depuis que ladite Jehenne desdits cops esoit terminŽe vie par mort. (É)

DonnŽ en notre ville de Bruxelles le jour du Vendredi Saint ou mois de mars lÕan de grace mil cincq cens trente et ung, de notre empire le IIIe et de noz royaulmes des Espaignes, des Deux CŽcilles et autres le XVII; soubz escript sur le ploy et signŽ par lÕempereur en son conseil ; G. Pensart visa.

 

[renoncher = renier ; fronteau = ornement du front, diadme]