Les relations tumultueuses de 1894 ˆ 1906 entre

le maire et le curŽ dĠAcq

 

La dŽcennie qui prŽcde la sŽparation de lĠEglise et de lĠEtat dans la commune dĠAcq est caractŽrisŽe par plusieurs conflits entre le maire et le curŽ. Les deux principaux dont on parlera ici sont : lĠutilisation des cloches de lĠŽglise par le curŽ, et le refus absolu du maire de lĠŽtablissement dans sa commune dĠune Žcole privŽe tenue par des congrŽganistes.

 

Les deux protagonistes

 

Beno”t Aimable GERNEZ[1], nŽ le 6-4-1837 ˆ Acq, y dŽcŽdŽ le 21-4-1918, est le fils de Beno”t  Gernez, marŽchal-ferrant et de Marie Allart, couturire. Il exerce la profession dĠofficier de santŽ ˆ Acq, et est maire de cette commune de 1891 ˆ 1917. Il est auparavant maire de Mont-Saint-Eloi de 1871 ˆ 1890, o il dŽpense beaucoup dĠŽnergie et dĠargent pour y faire Žtablir une gare sur la ligne de chemin de fer de Saint-Pol ˆ Arras. CĠest un homme cultivŽ et courtois, mais ferme sur les principes de la•citŽ et respectueux des rglements. Le 11-3-1893[2] lors de la nomination du sieur WACHEUX comme fossoyeur, il dŽclare que pour chaque fosse du cimetire dĠAcq, Ç il nĠy aura aucune distinction ˆ faire ˆ raison des croyances ou du culte du dŽfunt, ou des circonstances qui ont accompagnŽ sa mort. È

 

 

Ci-contre : billet mortuaire[3] de lĠabbŽ Hippolyte CAGIN, nŽ en 1859, dŽcŽdŽ ˆ Acq le 18-4-1912. Il est curŽ dĠAcq et Haute-Avesnes de 1887 ˆ 1912.

CĠest aussi un homme de conviction. Au moment de lĠinventaire des biens de lĠŽglise dĠAcq le 27-2-1906 prescrit par la loi du 9-12-1905, il Žcrit au maire[4] :Ç lĠEglise est une sociŽtŽ indŽpendante de lĠEtat de par un droit naturel et divin, elle ne tient pas de lĠEtat son droit de propriŽtŽ, et les biens qui lui sont propres viennent des fidles. Une loi civile qui dŽpouille lĠEglise de sa propriŽtŽ repose sur lĠinjustice. Le conseil de fabrique refuse son concours loyal ˆ lĠinventaire. È

Il Žcrit par ailleurs au maire au nom du conseil de fabrique :Ç le Concordat Žtait un accord bilatŽral. La loi de sŽparation est unilatŽrale ; si pour se marier il faut tre deux, pour divorcer il faut aussi tre deux. È

 

Querelles de cloches : premier Žpisode

 

En date de Quasimodo 1894, le conseil de fabrique de lĠŽglise dĠAcq, ˆ qui le conseil municipal demande de participer aux frais dĠassurance de lĠŽglise et du presbytre, exprime son refus. Le maire dŽclare alors que lĠindemnitŽ versŽe au chantre de la part de la commune sera rŽduite lors de lĠexercice 1895. En reprŽsailles le curŽ fait savoir que le chantre chargŽ des sonneries ne sonnera plus lĠAngŽlus. CĠest la guerre ! Elle durera non pas cent ans, mais jusquĠen 1907.

Le 30-1-1895 le conseil de fabrique dĠAcq se rŽunit[5]. On lit dans le procs-verbal de la dŽlibŽration: Ç (...) DĠaprs la loi du 5-4-1884, ni le maire ni le conseil municipal ne peuvent exiger dĠune fabrique quĠelle prenne ˆ sa charge les frais dĠassurance des deux b‰timents qui appartiennent ˆ la commune. (...) Le traitement du chantre est votŽ par le conseil de fabrique et le conseil municipal, le dŽfaut de lĠune des parties contractantes dŽgage lĠautre de ses responsabilitŽs. (...) Si le traitement du chantre est facultatif, le chantre lui-mme lĠest aussi. (...) Dans un esprit de conciliation, le conseil de fabrique versera lĠindemnitŽ complŽmentaire pour 1895 au chantre si le maire sĠengage ˆ rŽtablir le traitement complet en 1896. È

Le maire Žcrit ensuite au curŽ le 13-2-1895 que le conseil municipal a dans une dŽlibŽration du 11 fŽvrier confirmŽ sa demande de participation de la fabrique aux frais dĠassurances des deux b‰timents prŽcitŽs. Il ajoute : Ç le conseil vous invite ˆ rŽtablir immŽdiatement les sonneries de lĠAngŽlus. En cas de refus de votre part, il mĠa chargŽ de faire sonner ˆ midi. La somme nŽcessaire pour rŽtribuer le sonneur sera prŽlevŽe sur le crŽdit de 80 francs affectŽ au traitement du chantre en 1895. È

Dans sa rŽponse du 14-2-1895 le curŽ dŽclare quĠil serait bon quĠun nouveau rglement soit signŽ entre les deux parties concernant la sonnerie de lĠAngŽlus. Il prŽcise mme : Ç (...) Vous me dites quĠen cas de refus de ma part de faire sonner lĠAngŽlus le conseil vous a chargŽ de faire sonner midi. Je ne reconnais monsieur le Maire ˆ moins dĠune dŽcision spŽciale Žmanant dĠune autoritŽ supŽrieure que les sonneries de lĠAngŽlus, et de par la loi elle-mme, appuyŽ de mes supŽrieurs, jĠai le droit et le devoir de mĠopposer ˆ toutes innovations ˆ ce sujet. Veuillez vous reporter de nouveau au rglement sur les sonneries civiles et lĠinterprŽter ˆ sa juste valeur. Vous ferez de cette lettre le cas quĠil vous plaira : je vous autorise mme ˆ la communiquer soit en haut lieu soit ailleurs ; mais je dirai en terminant quĠil nĠest peut-tre pas prudent pour vous de vouloir consolider votre autoritŽ dans la commune au dŽtriment de celle du curŽ et des intŽrts religieux dont il a la garde. È

Le maire dĠAcq Žcrit alors au prŽfet pour se plaindre de cette situation, et le prŽfet transmet cette lettre ˆ lĠŽvque dĠArras, qui suggre pour mettre fin ˆ toute difficultŽ que le sonneur (rŽtribuŽ par le maire) Ç fasse prŽcŽder la volŽe des trois tintements consacrŽs par lĠusage et qui donnent ˆ la sonnerie un caractre religieux. È

Cela fait exploser le maire qui Žcrit de nouveau au prŽfet : Ç JĠaime en toutes choses une situation nette. Or jĠai lĠhonneur de vous faire observer que le maire ne peut faire exŽcuter que des sonneries civiles : la proposition de Mgr lĠEvque me para”t par consŽquent, contraire aux rglements sur les sonneries, et inacceptable. Si Mgr lĠEvque tient ˆ conserver les trois tintements, il est un moyen bien simple pour lui dĠobtenir satisfaction, cĠest dĠinviter le desservant ˆ rŽtablir les sonneries de lĠAngŽlus supprimŽes sans motif par lui seul. Quant ˆ lĠheure le conseil municipal mĠa chargŽ de faire sonner ˆ onze heures trois quarts . Cette question commence ˆ impatienter la population, je vous serais obligŽ de la rŽgler le plus t™t possible . È

Il faut en effet savoir que, outre la signification religieuse, la sonnerie du midi indique aux ouvriers des champs quĠil est lĠheure de faire une pose dans le travail et de se restaurer, celle du matin indique aux Žcoliers quĠil est lĠheure dĠaller en classe, celle du soir quĠil est lĠheure de cesser le travail. Il nĠest pas Žtonnant que les citoyens dĠAcq soient agacŽs par ce problme, car dŽrangŽs dans leur vie quotidienne, les sonneries de lĠAngŽlus Žtant passŽes de temps immŽmorial ˆ lĠŽtat de coutume et de tradition locales.

Jules BOUTRY chantre et sonneur de la fabrique se plaint en mars 1895 au prŽfet que son salaire a ŽtŽ rŽduit par le maire. Le prŽfet semonce le maire le 22-3-1895, lui rappelant que les diminutions de salaire ne peuvent avoir lieu que Ç du jour o lĠintŽressŽ en a ŽtŽ avisŽ. Si donc le sieur BOUTRY nĠa rŽellement eu connaissance de la rŽduction de son traitement que le 19 octobre 1894 cĠest seulement ˆ partir de ce jour que celle-ci doit lui tre faite. È

Finalement, lĠŽvque dĠArras ordonne au curŽ que la sonnerie de lĠAngŽlus soit faite chaque jour sous forme ordinaire, et que conformŽment ˆ lĠarticle 101 de la loi du 5-4-1884, lĠentrŽe du clocher sera libre, et que le maire pourra faire sonner ˆ midi la volŽe quĠil aura commandŽe. Il semble que la querelle des cloches sĠapaise un temps. Elle va bient™t ressurgir ˆ cause de lĠimplantation dĠune Žcole privŽe.

 

Chamaillerie entre le curŽ et le maire ˆ cause du fossoyeur

 

En 1901 le desservant de la paroisse semble se disputer souvent avec le fossoyeur. Il Žcrit le 17-8-1901 au maire une lettre incendiaire : Ç Monsieur le Maire, JĠai lĠhonneur de vous prŽvenir que si vous nĠavez pas un fossoyeur moins grossier ˆ mettre ˆ ma disposition pour les enterrements, dŽsormais le susdit fossoyeur prendra les corps des dŽfunts ˆ la porte de lĠŽglise. Je ne prŽtends pas tre sous la coupe dĠun voyou mal ŽlevŽ. È

Le premier magistrat de la commune lui rŽpond le 21-8 : Ç Monsieur le curŽ, par votre lettre reue le 17 de ce mois, vous mĠenjoignez de mettre ˆ votre disposition un fossoyeur moins grossier que le titulaire actuel de cet emploi. JĠai lĠhonneur de vous faire conna”tre que, renseignement pris jĠai dŽcidŽ quĠil nĠy a pas lieu de donner suite ˆ votre plainte comminatoire. Permettez-moi de plus de vous faire observer que je nĠai pas ˆ mettre le fossoyeur ˆ votre disposition ni ˆ celle de votre bedeau. Il sĠagit de fonctions distinctes, celles du fossoyeur consistent ˆ ouvrir les fosses et ˆ y dŽposer les cercueils sous les ordres seuls du maire. Il nĠa pas ˆ sĠoccuper du matŽriel servant au transport des corps, jĠestime mme que ce nĠest pas ˆ lui quĠincombe le soin dĠenlever le pole qui recouvre le cercueil. È

Beno”t Gernez est vraiment lĠhomme du rglement, jaloux lui aussi de ses prŽrogatives !

 

Querelles de cloches : second Žpisode

 

Depuis 1870 la commune dĠAcq a ŽnormŽment ÏuvrŽ pour dŽvelopper lĠenseignement primaire public. Elle a beaucoup dŽpensŽ, et sĠest endettŽe fortement en contractant de nombreux emprunts pour la construction dĠune maison dĠŽcole. En 1892 sous lĠimpulsion de Beno”t Gernez maire, un terrain est achetŽ Rue Verte ˆ Acq, en vue dĠy faire construire une classe enfantine. Le maire est vraiment un prŽcurseur en la matire : construire une Žcole maternelle dans un petit village de 500 habitants est loin dĠtre compris par tout le monde ! Il nous faut citer une dŽlibŽration du conseil gŽnŽral du Pas-de-Calais en date du 27-8-1892: Ç la commune d'Acq qui ne compte pas 500 habitants et qui n'a qu'une Žcole mixte, demande la crŽation d'une Žcole enfantine et propose de la construire dans un endroit central mais distant de 300 m de l'Žcole mixte. La dŽpense de 14053 francs dont 8839 ˆ la charge de l'Etat a paru considŽrable surtout qu'il s'agit d'une Žcole qui ne sera frŽquentŽe que par un nombre restreint d'enfants. Aussi propose t-il, tout en restant sympathique ˆ la commune d'Acq, de renvoyer ce projet ˆ l'examen de l'administration. Le troisime bureau pense qu'il y aura moyen de rapprocher l'Žcole enfantine de l'Žcole mixte. È Par chance, lĠInspecteur dĠAcadŽmie donne son accord le 29-7-1892 donnant entre autres arguments en sa faveur que Ç la commune d'Acq compte 492 habitants et la population tend ˆ s'accro”tre ˆ cause des carrires de grs et de pierres ˆ b‰tir actuellement en exploitation. Le nombre d'enfants en ‰ge de frŽquenter est de 98. La crŽation d'une classe enfantine est indispensable. È La commune finit par emprunter et faire construire cette classe enfantine. Elle sera endettŽe pour 30 ans.

En 1898 une Žcole privŽe pour filles sĠinstalle ˆ Acq, ˆ lĠemplacement actuel de la salle des ftes inaugurŽe en janvier 2004. Elle est rŽgie par la congrŽgation des SÏurs des SacrŽs CÏurs de JŽsus et Marie. Le maire estime que pour contrecarrer cette Žcole libre, il faut que lĠŽcole mixte, situŽe au lieu de lĠactuelle mairie, devienne une Žcole de garons et que la classe enfantine rŽcemment construite devienne une Žcole de filles. Le 28 mars 1898 le conseil municipal considre[6] Ç aprs mžre rŽflexion, quĠil a pour devoir de soutenir Žnergiquement l'enseignement public; que si l'Žcole mixte communale est maintenue, il est certain que toutes les filles la dŽserteront pour se rendre ˆ l'Žcole congrŽganiste; que le seul moyen de lutter avantageusement en faveur de l'enseignement public est de transformer l'Žcole enfantine en Žcole de filles avant la rentrŽe des classes, afin de ne pas se laisser devancer par l'Žtablissement libre; que d'ailleurs, l'Žcole enfantine a ŽtŽ construite avec logement pour la ma”tresse en prŽvision de l'obligation o pourrait se trouver la commune d'avoir une Žcole de filles dans un avenir plus ou moins prochain; que tout est donc prt pour ce changement. Il Žmet l'avis, ˆ l'unanimitŽ, que l'Žcole mixte soit transformŽe en Žcole de garons, et l'Žcole enfantine en Žcole de filles avant la prochaine rentrŽe des classes. È

On imagine quĠaprs cela la querelle des cloches va certainement rebondir. En effet en 1901 le curŽ fait sonner la cloche de lĠŽglise pour cŽlŽbrer la distribution des prix ˆ lĠŽcole privŽe. Le maire expose au prŽfet cette infraction par lettre du 7-8-1901 : Ç monsieur le PrŽfet, jĠapprends que monsieur le desservant a sonnŽ la cloche dimanche dernier ˆ quatre heures et demie du soir pour annoncer la distribution des prix ˆ lĠŽcole privŽe dirigŽe par des religieuses. DŽjˆ le mme fait sĠŽtait produit il y a deux ans ˆ lĠoccasion dĠune fte donnŽe dans cet Žtablissement. Vous savez avec quel soin jaloux le clergŽ veille sur lĠusage des cloches par lĠautoritŽ civile. CĠest pourquoi je crois de mon devoir de vous signaler cette infraction au rglement sur les sonneries. Vous lui donnerez telle suite que vous jugerez utile.È

LĠŽvque dĠArras prend la dŽfense du curŽ, disant que certaines sonneries civiles ˆ Acq ne sont pas inscrites dans lĠarticle six, par exemple le fait que le jour du 14 juillet, on fait annoncer ˆ grande volŽe les jeux sur la place publique, ou que le garde champtre dĠAcq sonne la cloche pour annoncer des ventes dĠimmeubles appartenant ˆ des particuliers.

Le 16-9-1901 le maire Žcrit au prŽfet : Ç en mettant la cloche communale au service dĠune Žcole primaire privŽe le desservant a semblŽ donner ˆ cet Žtablissement un caractre en quelque sorte public quĠil nĠa pas, et lui constituer une rŽclame qui ne saurait tre tolŽrŽe. Rien dans la loi, dans le rglement, ni dans lĠusage nĠautorise une pareille innovation. Elle est sans excuse. Je vous ferai dĠailleurs remarquer que le desservant ne se conforme mme pas au rglement pour les sonneries religieuses. LĠAngŽlus, par exemple devrait tre sonnŽ le matin ˆ midi et au soir. Il ne le fait sonner quĠˆ midi. (...) Toutes ces sonneries, ainsi que celles qui annoncent lĠheure de la fermeture des cabarets, sont ordinairement, dans les villages exŽcutŽes par le garde champtre. Mgr lĠEvque rappelle quĠau terme de lĠarticle six du rglement le maire ne peut dŽsigner un sonneur spŽcial quĠen cas de refus du sonneur attitrŽ de lĠŽglise. La cloche est sonnŽe tour ˆ tour par le desservant , le chantre et le bedeau : jĠignore si lĠŽglise a un sonneur attitrŽ. Mais jĠestime quĠen ežt -elle un, le maire nĠaurait pas qualitŽ pour lui donner des ordres. Pour quĠil en fžt autrement le maire aurait dž tre appelŽ ˆ nommer cet agent, par arrtŽ, aprs entente avec le desservant et le vote par le conseil municipal dĠun crŽdit destinŽ ˆ lĠindemniser. Or le desservant a toujours revendiquŽ pour lui seul le droit de choisir le sonneur et cĠest la fabrique qui le rŽtribue. Dans ces conditions il ne peut tre que lĠagent de lĠŽglise et non celui de lĠautoritŽ municipale. È

Dans un brouillon non datŽ avec prŽcision et retrouvŽ dans ses archives, le maire Žcrit :Ç La cloche ne peut tre mise au service de Madame DUFOUR pour concerts, ftes, etc...Elle pourrait tre alors rŽclamŽe par les particuliers qui voudraient organiser de ces ftes ce qui est inadmissible. Le sonneur est nommŽ par le desservant et rŽtribuŽ par la fabrique. Le maire nĠa pas dĠordre ˆ lui donner. Il est spŽcialement chargŽ des sonneries religieuses . Lorsque le sonneur reoit une indemnitŽ de la commune, le maire peut exiger que le desservant sĠentende avec  lui pour le choix. En cas de dŽsaccord le conseil municipal sera libre de ne pas voter de crŽdit et de dŽcider quĠil y aura un sonneur spŽcial pour les sonneries civiles.È Madame DUFOUR est une personne qui a fait don de nombreux objets ˆ lĠŽglise dĠAcq : lĠharmonium, deux candŽlabres, lĠostensoir, le calice en argent.

Le premier magistrat dĠAcq demande alors conseil au directeur du Journal dĠadministration des communes rurales, dont le sige est ˆ Poitiers. On lui rŽpond que, lĠarrtŽ du prŽfet du Pas-de-Calais en date du 23-3-1885, concertŽ avec lĠŽvque, porte que le maire pourra faire sonner les cloches pour la cl™ture des cabarets et la fte nationale, mais ne cite pas lĠannonce des ventes dans la commune. Le mme arrtŽ ˆ lĠarticle 6 indique que : Ç les sonneries ordonnŽes par le maire ou son dŽlŽguŽ devront tre exŽcutŽes par le sonneur attitrŽ de lĠŽglise qui recevra de ce chef une indemnitŽ fixŽe par le conseil municipal et que cĠest seulement en cas de refus de ce sonneur que le maire pourra nommer un sonneur spŽcial pour exŽcuter les sonneries civiles. Ce sonneur civil, dit lĠarrtŽ, pourra tre rŽvoquŽ par le maire et ira seulement sonner ˆ ses ordres. È Le mme directeur lui Žcrit mme: Ç Tant que le sonneur de lĠŽglise ne refuse pas de sonner les sonneries civiles vous ne pouvez lui substituer un sonneur nommŽ par vous. Vous devez en passer par le sonneur de la fabrique. Que faire ˆ cela direz-vous ? CĠest bien simple ˆ mon avis. Supprimer purement et simplement toute subvention non obligatoire ˆ la fabrique et avec lĠŽconomie rŽalisŽe acheter une cloche, lĠinstaller soit sur le toit de la mairie, soit sur un Žchafaudage en bois sur la place publique et avoir un sonneur ˆ vous qui sonnera quand vous voudrez et ce que vous voudrez. È Il va de soi que le maire ne peut faire cet achat, il perdrait la face devant la population, et de plus aggraverait le dŽficit du budget de sa commune.

LĠŽvque dĠArras Žcrit le 6-1-1902 au maire quĠil a recommandŽ au curŽ de ne plus sonner pour lĠŽcole libre, mais fait remarquer au maire quĠil ne respecte pas lui-mme le rglement des sonneries civiles. De toute faon lĠŽcole libre va devoir fermer ses portes, comme on peut le lire sur la reproduction in extenso dĠune dŽlibŽration du conseil municipal dĠAcq :

Ç L'an 1902, le 9 fŽvrier ˆ 11 heures et demie du matin, le conseil municipal s'est rŽuni en session ordinaire ˆ la mairie sous la prŽsidence de M. Gernez Beno”t, maire. Etaient prŽsents : MM. Gernez, Petit, RichebŽ, Fournet, Wartel, Cuisinier Oscar, Bacqueville, Cuvellier, Lefebvre Franois, Cuisinier Paul, ChrŽtien  Adolphe, Lefebvre Augustin. Le conseil, ainsi constituŽ, M. le prŽsident donne lecture d'une lettre de M. le prŽfet par laquelle il invite le conseil  municipal ˆ donner en exŽcution de l'article 21 du dŽcret du 16 aožt 1901 son avis sur la demande d'autorisation formulŽe par la congrŽgation des Religieuses des SacrŽs-CÏurs de JŽsus et de Marie pour son Žtablissement d'Acq. Le conseil, aprs mžre dŽlibŽration, considŽrant:

á               que l'existence des congrŽgations est contraire ˆ l'esprit de la RŽvolution Franaise qui n'a plus reconnu les vÏux monastiques et avait supprimŽ les ordres religieux;

á               que les congrŽgations cherchent avant toute chose ˆ accaparer l'enseignement dans le but de dŽtruire l'Ïuvre Žmancipatrice de la RŽvolution, du Progrs et de la  Science;

á               que l'enseignement confessionnel porte de graves atteintes ˆ l'union morale et sociale de la France ;

á               que la religion doit rester chose privŽe et qu'il ne doit y avoir que des Žcoles sans confession dans l'Etat moderne appuyŽ sur la raison ;

á               qu'il existe dans la commune une Žcole publique de filles largement suffisante pour les besoins d'une population de 512 habitants, que cette Žcole donne toute satisfaction aux habitants en distribuant aux jeunes filles les bienfaits d'une vŽritable Žducation respectueuse de toutes les convictions par sa neutralitŽ ;

á               que le nouvel Žtablissement congrŽganiste, sans utilitŽ aucune, ne peut tre au contraire, par son enseignement confessionnel qu'une cause de division entre les habitants et jusque dans les familles ;

á               que le gouvernement ne doit pas se laisser arrter par les rŽclamations intŽressŽes d'un parti, en Žtat de rŽbellion perpŽtuelle contre la science et la civilisation moderne, qui n'invoque la libertŽ que pour Ždifier la servitude;

á               qu'il s'agit pour la science, le progrs et la paix sociale d'un cas de lŽgitime dŽfense ;

Donne, par onze voix contre une, un avis dŽfavorable ˆ l'autorisation sollicitŽe par la congrŽgation des Religieuses des SacrŽs-CÏurs de JŽsus et de Marie pour son Žtablissement d'Acq dont rien ne justifie le maintien. È

Cette dernire dŽlibŽration est un vŽritable morceau dĠanthologie des principes de la•citŽ, et semble montrer que sĠil y a dans toute la France un tel climat de tension, la sŽparation en dŽcembre 1905 de lĠEglise et de lĠEtat nĠest pas le fait de quelques radicaux tel Emile Combes instigateur de la loi, mais lĠaboutissement dĠun conflit larvŽ entre les tenants dĠun enseignement la•que et les congrŽgations, qui se voient dĠailleurs interdire lĠenseignement en 1904.

Le 29-12-1904, sur injonction du prŽfet, le maire supprime le crŽdit de 60 francs attribuŽ au chantre, et suggre que le crŽdit de 60 francs sera allouŽ aux dŽpenses de rŽparation du presbytre et de lĠŽglise. Le 6-1-1905 cette suppression est notifiŽe en personne ˆ Edouard FRAN‚OIS chantre. Le 7-1-1906, faute de ressources, le conseil de fabrique ne prend plus a sa charge la sonnerie de lĠAngŽlus du midi.

On en arrive ˆ lĠŽpilogue du conflit des cloches. Le 13-3-1907, le maire Žmet lĠarrtŽ suivant, reproduit in extenso :

Ç Le Maire de la commune dĠAcq, considŽrant que pour assurer dans de bonnes conditions lĠordre et la rŽgularitŽ dans les sonneries civiles et religieuses qui seront effectuŽes avec la cloche qui existe dans le clocher, propriŽtŽ communale, quĠil y a lieu de rŽglementer ces sonneries.

ConsidŽrant quĠaucune association cultuelle nĠa ŽtŽ constituŽe dans la commune ;

Vu la loi du 5-4-1884 articles 95 et 96 ;

Vu la loi du 9-12-1905 article 27 ;

Vu le dŽcret du 10-3-1906 articles 51, 52 et 53 ;

Vu la loi du 2-1-1907 ;

Arrte :

1Ħ) Les sonneries religieuses seront faites suivant les usages antŽrieurs, et de faon ˆ assurer dans des conditions normales le service du culte ;

2Ħ) Les sonneries civiles seront faites dans les circonstances ci-aprs :

á   pour appeler les enfants ˆ lĠŽcole ;

á   pour annoncer lĠheure de fermeture des dŽbits de boisson ;

á   pour annoncer les heures des repas et celles de la reprise des travaux aux ouvriers des champs;

á   pour annoncer lĠouverture des sŽances du conseil municipal ;

á   pour annoncer lĠarrivŽe du percepteur en tournŽe de recette ou de mutation et celle du contr™leur ;

á   pour annoncer lĠheure de lÔouverture et celle de la fermeture du scrutin les jours dĠŽlection ;

á   pour annoncer les adjudications.

3Ħ) Il sera Žgalement procŽdŽ ˆ des sonneries la veille et le jour de la fte nationale et de la fte locale et pour telles autres ftes officielles organisŽes par lĠadministration communale ou avec son concours.

4Ħ) Les cloches seront aussi sonnŽes lorsquĠil sera nŽcessaire de rŽunir les habitants pour prŽvenir ou arrter quelque accident de nature ˆ exiger leur concours, comme les cas dĠincendie, dĠinondation, et dans tout autre cas de nŽcessitŽ publique.

5Ħ) La sonnerie en volŽe est interdite pendant les orages.

6Ħ) Si le clocher Žtant dans un Žtat de soliditŽ insuffisante le mouvement de la cloche prŽsentait un rŽel danger le maire pourra sur lĠavis conforme dĠun architecte et aprs en avoir rŽfŽrŽ au prŽfet interdire provisoirement les sonneries.

7Ħ) Les cloches ne pourront tre sonnŽes pour aucune autre cause que celles ci-dessus prŽvues.

8Ħ) Le maire reprŽsentant la commune aura une clef de lĠŽglise et du clocher ainsi que le sonneur dŽsignŽ pour exŽcuter les sonneries civiles ; le curŽ en sa qualitŽ dĠoccupant de lĠŽglise aura Žgalement une clef de lĠŽglise et du clocher ainsi que le sonneur chargŽ des sonneries religieuses.

9Ħ) La gendarmerie et le garde champtre sont chargŽs de lĠexŽcution du prŽsent arrtŽ .

Fait ˆ Acq le 13 mars 1907. Le maire : Gernez. È

 

Inventaire des biens de lĠŽglise en 1906

 

Le 27-2-1906, le maire se prŽsente ˆ lĠŽglise aux fins de lĠinventaire de ses biens, et trouve la porte fermŽe ˆ clef, le curŽ refusant en plus dĠouvrir la sacristie. Il ordonne au garde-champtre de procŽder ˆ lĠouverture de la sacristie. Le desservant Žmet une protestation. LĠinventaire des biens de lĠŽglise est bref, de nombreux objets appartiennent en propre au curŽ : chasubles, missels, candŽlabres, ou proviennent de dons de fidles. On signale un immeuble terre de 1 ha 88 ares dont lĠorigine de la propriŽtŽ nĠa pu tre dŽcouverte.

 

Quelle conclusion apporter ˆ cet article, un sicle aprs ces incidents? Bien entendu, pour un observateur de lĠan 2005, les querelles de sonneries de cloches semblent risibles voire mme ridicules ˆ cause de lĠŽnergie gaspillŽe : courriers multiples entre le maire, le curŽ, le prŽfet, lĠŽvque, rŽunions de toutes sortes. Pour ce qui est du refus du maire dĠAcq dĠune Žcole privŽe congrŽganiste, il nous semble que cette commune soit alors un microcosme de la France avant la sŽparation de dŽcembre 1905, le maire Beno”t Gernez pensant comme Waldeck-Rousseau quĠil y a Ç trop de moines ligueurs È.

 

Par Marcel FOURNET et Michle FOURNET-LEMAIRE

 

 

 

 

 

 

 

  Note :

Le climat est moins serein en 1900 quĠen 1791 entre la municipalitŽ et le curŽ dĠAcq puisque le 10 avril 1791, monsieur LEBLAN curŽ dĠAcq prte serment ˆ la constitution civile du clergŽ :

 

Iconographie :

 

LĠŽglise dĠAcq vers 1900

 

 

BŽnitier de lĠŽglise dĠAcq, en pierre de pays,

datŽ de 1608 . (Objet classŽ)

Bas de la cloche de lĠŽglise dĠAcq, portant

lĠinscription : GORLIER fondeur ˆ FrŽvent

 

 

 

La cloche de lĠŽglise dĠAcq.

Aurait ŽtŽ fondue aprs 1793.

 

 

 

 

 

Ci-contre : dessin de lĠŽglise dĠAcq fait vers 1737, provenant de lĠinventaire des propriŽtŽs ˆ Acq des Carmes dŽchaussŽs dĠArras.

Source : AD 62 sŽrie I.

 

 



[1] Photo communiquŽe par son arrire-petite-fille Monique GERNEZ.

[2] Source : AD62, F2O 58/9.

[3] CommuniquŽ par madame CUISINIER qui demeure ˆ Acq.

[4] Sources : archives diocŽsaines dĠArras, aimablement communiquŽes par monsieur BEIRNAERT conservateur.

[5] Sources : AD62 F EDEP7P1, ainsi que pour quasiment tout ce qui suit.

[6] Extrait du registre des dŽlibŽrations du conseil municipal.