le maire et le cur dĠAcq
La dcennie qui prcde la sparation de lĠEglise et de lĠEtat dans la commune dĠAcq est caractrise par plusieurs conflits entre le maire et le cur. Les deux principaux dont on parlera ici sont : lĠutilisation des cloches de lĠglise par le cur, et le refus absolu du maire de lĠtablissement dans sa commune dĠune cole prive tenue par des congrganistes.
Les deux protagonistes
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Benot Aimable GERNEZ[1], n le 6-4-1837 Acq, y dcd le 21-4-1918, est le fils de Benot Gernez, marchal-ferrant et de Marie Allart, couturire. Il exerce la profession dĠofficier de sant Acq, et est maire de cette commune de 1891 1917. Il est auparavant maire de Mont-Saint-Eloi de 1871 1890, o il dpense beaucoup dĠnergie et dĠargent pour y faire tablir une gare sur la ligne de chemin de fer de Saint-Pol Arras. CĠest un homme cultiv et courtois, mais ferme sur les principes de lacit et respectueux des rglements. Le 11-3-1893[2] lors de la nomination du sieur WACHEUX comme fossoyeur, il dclare que pour chaque fosse du cimetire dĠAcq, Ç il nĠy aura aucune distinction faire raison des croyances ou du culte du dfunt, ou des circonstances qui ont accompagn sa mort. È |
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Ci-contre : billet mortuaire[3] de lĠabb Hippolyte CAGIN, n en 1859, dcd Acq le 18-4-1912. Il est cur dĠAcq et Haute-Avesnes de 1887 1912. CĠest aussi un homme de conviction. Au moment de lĠinventaire des biens de lĠglise dĠAcq le 27-2-1906 prescrit par la loi du 9-12-1905, il crit au maire[4] :Ç lĠEglise est une socit indpendante de lĠEtat de par un droit naturel et divin, elle ne tient pas de lĠEtat son droit de proprit, et les biens qui lui sont propres viennent des fidles. Une loi civile qui dpouille lĠEglise de sa proprit repose sur lĠinjustice. Le conseil de fabrique refuse son concours loyal lĠinventaire. È Il crit par ailleurs au maire au nom du conseil de fabrique :Ç le Concordat tait un accord bilatral. La loi de sparation est unilatrale ; si pour se marier il faut tre deux, pour divorcer il faut aussi tre deux. È |
Querelles de cloches : premier
pisode
En date de Quasimodo 1894, le conseil de fabrique de lĠglise dĠAcq, qui le conseil municipal demande de participer aux frais dĠassurance de lĠglise et du presbytre, exprime son refus. Le maire dclare alors que lĠindemnit verse au chantre de la part de la commune sera rduite lors de lĠexercice 1895. En reprsailles le cur fait savoir que le chantre charg des sonneries ne sonnera plus lĠAnglus. CĠest la guerre ! Elle durera non pas cent ans, mais jusquĠen 1907.
Le 30-1-1895 le conseil de fabrique dĠAcq se runit[5]. On lit dans le procs-verbal de la dlibration: Ç (...) DĠaprs la loi du 5-4-1884, ni le maire ni le conseil municipal ne peuvent exiger dĠune fabrique quĠelle prenne sa charge les frais dĠassurance des deux btiments qui appartiennent la commune. (...) Le traitement du chantre est vot par le conseil de fabrique et le conseil municipal, le dfaut de lĠune des parties contractantes dgage lĠautre de ses responsabilits. (...) Si le traitement du chantre est facultatif, le chantre lui-mme lĠest aussi. (...) Dans un esprit de conciliation, le conseil de fabrique versera lĠindemnit complmentaire pour 1895 au chantre si le maire sĠengage rtablir le traitement complet en 1896. È
Le maire crit ensuite au cur le 13-2-1895 que le conseil municipal a dans une dlibration du 11 fvrier confirm sa demande de participation de la fabrique aux frais dĠassurances des deux btiments prcits. Il ajoute : Ç le conseil vous invite rtablir immdiatement les sonneries de lĠAnglus. En cas de refus de votre part, il mĠa charg de faire sonner midi. La somme ncessaire pour rtribuer le sonneur sera prleve sur le crdit de 80 francs affect au traitement du chantre en 1895. È
Dans sa rponse du 14-2-1895 le cur dclare quĠil serait
bon quĠun nouveau rglement soit sign entre les deux parties concernant la
sonnerie de lĠAnglus. Il prcise mme : Ç (...) Vous me dites quĠen
cas de refus de ma part de faire sonner lĠAnglus le conseil vous a charg de
faire sonner midi. Je ne reconnais monsieur le Maire moins dĠune dcision
spciale manant dĠune autorit suprieure que les sonneries de lĠAnglus, et
de par la loi elle-mme, appuy de mes suprieurs, jĠai le droit et le devoir
de mĠopposer toutes innovations ce sujet. Veuillez vous reporter de nouveau
au rglement sur les sonneries civiles et lĠinterprter sa juste valeur. Vous
ferez de cette lettre le cas quĠil vous plaira : je vous autorise mme
la communiquer soit en haut lieu soit ailleurs ; mais je dirai en
terminant quĠil nĠest peut-tre pas prudent pour vous de vouloir consolider
votre autorit dans la commune au dtriment de celle du cur et des intrts religieux
dont il a la garde.
È
Le maire dĠAcq crit alors au prfet pour se plaindre de cette situation, et le prfet transmet cette lettre lĠvque dĠArras, qui suggre pour mettre fin toute difficult que le sonneur (rtribu par le maire) Ç fasse prcder la vole des trois tintements consacrs par lĠusage et qui donnent la sonnerie un caractre religieux. È
Cela fait exploser le maire qui crit de nouveau au prfet : Ç JĠaime en toutes choses une situation nette. Or jĠai lĠhonneur de vous faire observer que le maire ne peut faire excuter que des sonneries civiles : la proposition de Mgr lĠEvque me parat par consquent, contraire aux rglements sur les sonneries, et inacceptable. Si Mgr lĠEvque tient conserver les trois tintements, il est un moyen bien simple pour lui dĠobtenir satisfaction, cĠest dĠinviter le desservant rtablir les sonneries de lĠAnglus supprimes sans motif par lui seul. Quant lĠheure le conseil municipal mĠa charg de faire sonner onze heures trois quarts . Cette question commence impatienter la population, je vous serais oblig de la rgler le plus tt possible . È
Il faut en effet savoir que, outre la signification religieuse, la sonnerie du midi indique aux ouvriers des champs quĠil est lĠheure de faire une pose dans le travail et de se restaurer, celle du matin indique aux coliers quĠil est lĠheure dĠaller en classe, celle du soir quĠil est lĠheure de cesser le travail. Il nĠest pas tonnant que les citoyens dĠAcq soient agacs par ce problme, car drangs dans leur vie quotidienne, les sonneries de lĠAnglus tant passes de temps immmorial lĠtat de coutume et de tradition locales.
Jules BOUTRY chantre et sonneur de la fabrique se plaint en
mars 1895 au prfet que son salaire a t rduit par le maire. Le prfet
semonce le maire le 22-3-1895, lui rappelant que les diminutions de salaire ne
peuvent avoir lieu que Ç du jour o lĠintress en a t avis. Si donc le
sieur BOUTRY nĠa rellement eu connaissance de la rduction de son traitement
que le 19 octobre 1894 cĠest seulement partir de ce jour que celle-ci doit
lui tre faite. È
Finalement, lĠvque dĠArras ordonne au cur que la sonnerie
de lĠAnglus soit faite chaque jour sous forme ordinaire, et que conformment
lĠarticle 101 de la loi du 5-4-1884, lĠentre du clocher sera libre, et que le
maire pourra faire sonner midi la vole quĠil aura commande. Il semble que
la querelle des cloches sĠapaise un temps. Elle va bientt ressurgir cause de
lĠimplantation dĠune cole prive.
Chamaillerie entre le cur et le maire
cause du fossoyeur
En 1901 le desservant de la paroisse semble se disputer
souvent avec le fossoyeur. Il crit le 17-8-1901 au maire une lettre
incendiaire : Ç Monsieur le Maire, JĠai lĠhonneur de vous prvenir que
si vous nĠavez pas un fossoyeur moins grossier mettre ma disposition pour
les enterrements, dsormais le susdit fossoyeur prendra les corps des dfunts
la porte de lĠglise. Je ne prtends pas tre sous la coupe dĠun voyou mal
lev. È
Le premier magistrat de la commune lui rpond le 21-8 :
Ç Monsieur le cur, par votre lettre reue le 17 de ce mois, vous
mĠenjoignez de mettre votre disposition un fossoyeur moins grossier que le
titulaire actuel de cet emploi. JĠai lĠhonneur de vous faire connatre que,
renseignement pris jĠai dcid quĠil nĠy a pas lieu de donner suite votre
plainte comminatoire. Permettez-moi de plus de vous faire observer que je nĠai
pas mettre le fossoyeur votre disposition ni celle de votre bedeau. Il
sĠagit de fonctions distinctes, celles du fossoyeur consistent ouvrir les
fosses et y dposer les cercueils sous les ordres seuls du maire. Il nĠa pas
sĠoccuper du matriel servant au transport des corps, jĠestime mme que ce
nĠest pas lui quĠincombe le soin dĠenlever le pole qui recouvre le cercueil. È
Benot Gernez est vraiment lĠhomme du rglement, jaloux lui
aussi de ses prrogatives !
Querelles de
cloches : second pisode
Depuis 1870 la commune dĠAcq a normment Ïuvr pour
dvelopper lĠenseignement primaire public. Elle a beaucoup dpens, et sĠest
endette fortement en contractant de nombreux emprunts pour la construction
dĠune maison dĠcole. En 1892 sous lĠimpulsion de Benot Gernez maire, un
terrain est achet Rue Verte Acq, en vue dĠy faire construire une classe
enfantine. Le maire est vraiment un prcurseur en la matire : construire
une cole maternelle dans un petit village de 500 habitants est loin dĠtre
compris par tout le monde ! Il nous faut citer une dlibration du conseil
gnral du Pas-de-Calais en date du 27-8-1892: Ç la commune d'Acq qui ne
compte pas 500 habitants et qui n'a qu'une cole mixte, demande la cration
d'une cole enfantine et propose de la construire dans un endroit central mais
distant de 300 m de l'cole mixte. La dpense de 14053 francs dont 8839 la
charge de l'Etat a paru considrable surtout qu'il s'agit d'une cole qui ne
sera frquente que par un nombre restreint d'enfants. Aussi propose t-il, tout
en restant sympathique la commune d'Acq, de renvoyer ce projet l'examen de
l'administration. Le troisime bureau pense qu'il y aura moyen de rapprocher
l'cole enfantine de l'cole mixte. È Par chance, lĠInspecteur dĠAcadmie donne son accord le
29-7-1892 donnant entre autres arguments en sa faveur que Ç la commune d'Acq
compte 492 habitants et la population tend s'accrotre cause des carrires
de grs et de pierres btir actuellement en exploitation. Le nombre d'enfants
en ge de frquenter est de 98. La cration d'une classe enfantine est
indispensable. È La
commune finit par emprunter et faire construire cette classe enfantine. Elle
sera endette pour 30 ans.
En 1898 une cole prive pour filles sĠinstalle Acq, lĠemplacement actuel de la salle des ftes inaugure en janvier 2004. Elle est rgie par la congrgation des SÏurs des Sacrs CÏurs de Jsus et Marie. Le maire estime que pour contrecarrer cette cole libre, il faut que lĠcole mixte, situe au lieu de lĠactuelle mairie, devienne une cole de garons et que la classe enfantine rcemment construite devienne une cole de filles. Le 28 mars 1898 le conseil municipal considre[6] Ç aprs mre rflexion, quĠil a pour devoir de soutenir nergiquement l'enseignement public; que si l'cole mixte communale est maintenue, il est certain que toutes les filles la dserteront pour se rendre l'cole congrganiste; que le seul moyen de lutter avantageusement en faveur de l'enseignement public est de transformer l'cole enfantine en cole de filles avant la rentre des classes, afin de ne pas se laisser devancer par l'tablissement libre; que d'ailleurs, l'cole enfantine a t construite avec logement pour la matresse en prvision de l'obligation o pourrait se trouver la commune d'avoir une cole de filles dans un avenir plus ou moins prochain; que tout est donc prt pour ce changement. Il met l'avis, l'unanimit, que l'cole mixte soit transforme en cole de garons, et l'cole enfantine en cole de filles avant la prochaine rentre des classes. È
On imagine quĠaprs cela la querelle des cloches va
certainement rebondir. En effet en 1901 le cur fait sonner la cloche de
lĠglise pour clbrer la distribution des prix lĠcole prive. Le maire
expose au prfet cette infraction par lettre du 7-8-1901 : Ç monsieur
le Prfet, jĠapprends que monsieur le desservant a sonn la cloche dimanche
dernier quatre heures et demie du soir pour annoncer la distribution des prix
lĠcole prive dirige par des religieuses. Dj le mme fait sĠtait produit
il y a deux ans lĠoccasion dĠune fte donne dans cet tablissement. Vous
savez avec quel soin jaloux le clerg veille sur lĠusage des cloches par
lĠautorit civile. CĠest pourquoi je crois de mon devoir de vous signaler cette
infraction au rglement sur les sonneries. Vous lui donnerez telle suite que
vous jugerez utile.È
LĠvque dĠArras prend la dfense du cur, disant que
certaines sonneries civiles Acq ne sont pas inscrites dans lĠarticle six, par
exemple le fait que le jour du 14 juillet, on fait annoncer grande vole les
jeux sur la place publique, ou que le garde champtre dĠAcq sonne la cloche
pour annoncer des ventes dĠimmeubles appartenant des particuliers.
Le 16-9-1901 le maire crit au prfet : Ç en mettant
la cloche communale au service dĠune cole primaire prive le desservant a
sembl donner cet tablissement un caractre en quelque sorte public quĠil
nĠa pas, et lui constituer une rclame qui ne saurait tre tolre. Rien dans
la loi, dans le rglement, ni dans lĠusage nĠautorise une pareille innovation.
Elle est sans excuse. Je vous ferai dĠailleurs remarquer que le desservant ne
se conforme mme pas au rglement pour les sonneries religieuses. LĠAnglus,
par exemple devrait tre sonn le matin midi et au soir. Il ne le fait sonner
quĠ midi. (...) Toutes
ces sonneries, ainsi que celles qui annoncent lĠheure de la fermeture des
cabarets, sont ordinairement, dans les villages excutes par le garde
champtre. Mgr lĠEvque rappelle quĠau terme de lĠarticle six du rglement le
maire ne peut dsigner un sonneur spcial quĠen cas de refus du sonneur attitr
de lĠglise. La cloche est sonne tour tour par le desservant , le chantre et
le bedeau : jĠignore si lĠglise a un sonneur attitr. Mais jĠestime quĠen
et -elle un, le maire nĠaurait pas qualit pour lui donner des ordres. Pour
quĠil en ft autrement le maire aurait d tre appel nommer cet agent, par
arrt, aprs entente avec le desservant et le vote par le conseil municipal
dĠun crdit destin lĠindemniser. Or le desservant a toujours revendiqu pour
lui seul le droit de choisir le sonneur et cĠest la fabrique qui le rtribue.
Dans ces conditions il ne peut tre que lĠagent de lĠglise et non celui de
lĠautorit municipale.
È
Dans un brouillon non dat avec prcision et retrouv dans
ses archives, le maire crit :Ç La cloche ne peut tre mise au service
de Madame DUFOUR pour concerts, ftes, etc...Elle pourrait tre alors rclame
par les particuliers qui voudraient organiser de ces ftes ce qui est
inadmissible. Le sonneur est nomm par le desservant et rtribu par la
fabrique. Le maire nĠa pas dĠordre lui donner. Il est spcialement charg des
sonneries religieuses . Lorsque le sonneur reoit une indemnit de la
commune, le maire peut exiger que le desservant sĠentende avec lui pour le choix. En cas de dsaccord
le conseil municipal sera libre de ne pas voter de crdit et de dcider quĠil y
aura un sonneur spcial pour les sonneries civiles.È Madame DUFOUR est une personne
qui a fait don de nombreux objets lĠglise dĠAcq : lĠharmonium, deux
candlabres, lĠostensoir, le calice en argent.
Le premier magistrat dĠAcq demande alors conseil au
directeur du Journal dĠadministration des communes rurales, dont le sige est
Poitiers. On lui rpond que, lĠarrt du prfet du Pas-de-Calais en date du
23-3-1885, concert avec lĠvque, porte que le maire pourra faire sonner les
cloches pour la clture des cabarets et la fte nationale, mais ne cite pas
lĠannonce des ventes dans la commune. Le mme arrt lĠarticle 6 indique
que : Ç les sonneries ordonnes par le maire ou son dlgu devront
tre excutes par le sonneur attitr de lĠglise qui recevra de ce chef une
indemnit fixe par le conseil municipal et que cĠest seulement en cas de refus
de ce sonneur que le maire pourra nommer un sonneur spcial pour excuter les
sonneries civiles. Ce sonneur civil, dit lĠarrt, pourra tre rvoqu par le
maire et ira seulement sonner ses ordres. È Le mme directeur lui crit mme:
Ç Tant que le sonneur de lĠglise ne refuse pas de sonner les sonneries
civiles vous ne pouvez lui substituer un sonneur nomm par vous. Vous devez en
passer par le sonneur de la fabrique. Que faire cela direz-vous ? CĠest
bien simple mon avis. Supprimer purement et simplement toute subvention non
obligatoire la fabrique et avec lĠconomie ralise acheter une cloche,
lĠinstaller soit sur le toit de la mairie, soit sur un chafaudage en bois sur
la place publique et avoir un sonneur vous qui sonnera quand vous voudrez et
ce que vous voudrez.
È Il va de soi que le maire ne peut faire cet achat, il perdrait la face devant
la population, et de plus aggraverait le dficit du budget de sa commune.
LĠvque dĠArras crit le 6-1-1902 au maire quĠil a recommand au cur de ne plus sonner pour lĠcole libre, mais fait remarquer au maire quĠil ne respecte pas lui-mme le rglement des sonneries civiles. De toute faon lĠcole libre va devoir fermer ses portes, comme on peut le lire sur la reproduction in extenso dĠune dlibration du conseil municipal dĠAcq :
Ç L'an 1902,
le 9 fvrier 11 heures et demie du matin, le conseil municipal s'est runi en
session ordinaire la mairie sous la prsidence de M. Gernez Benot, maire.
Etaient prsents : MM. Gernez, Petit, Richeb, Fournet, Wartel, Cuisinier Oscar, Bacqueville,
Cuvellier, Lefebvre Franois, Cuisinier Paul, Chrtien Adolphe, Lefebvre Augustin. Le conseil,
ainsi constitu, M. le prsident donne lecture d'une lettre de M. le prfet par
laquelle il invite le conseil
municipal donner en excution de l'article 21 du dcret du 16 aot
1901 son avis sur la demande d'autorisation formule par la congrgation des
Religieuses des Sacrs-CÏurs de Jsus et de Marie pour son tablissement d'Acq.
Le conseil, aprs mre dlibration, considrant:
á
que
l'existence des congrgations est contraire l'esprit de la Rvolution
Franaise qui n'a plus reconnu les vÏux monastiques et avait supprim les
ordres religieux;
á
que les congrgations cherchent avant toute chose
accaparer l'enseignement dans le but de dtruire l'Ïuvre mancipatrice de la
Rvolution, du Progrs et de la
Science;
á
que l'enseignement confessionnel porte de graves
atteintes l'union morale et sociale de la France ;
á
que la religion doit rester chose prive et qu'il ne
doit y avoir que des coles sans confession dans l'Etat moderne appuy sur la
raison ;
á
qu'il existe dans la commune une cole publique de filles
largement suffisante pour les besoins d'une population de 512 habitants, que
cette cole donne toute satisfaction aux habitants en distribuant aux jeunes
filles les bienfaits d'une vritable ducation respectueuse de toutes les
convictions par sa neutralit ;
á
que le nouvel tablissement congrganiste, sans
utilit aucune, ne peut tre au contraire, par son enseignement confessionnel
qu'une cause de division entre les habitants et jusque dans les familles ;
á
que le gouvernement ne doit pas se laisser arrter
par les rclamations intresses d'un parti, en tat de rbellion perptuelle
contre la science et la civilisation moderne, qui n'invoque la libert que pour
difier la servitude;
á
qu'il s'agit pour la science, le progrs et la paix
sociale d'un cas de lgitime dfense ;
Donne, par onze voix contre
une, un avis dfavorable l'autorisation sollicite par la congrgation des
Religieuses des Sacrs-CÏurs de Jsus et de Marie pour son tablissement d'Acq
dont rien ne justifie le maintien. È
Cette
dernire dlibration est un vritable morceau dĠanthologie des principes de
lacit, et semble montrer que sĠil y a dans toute la France un tel climat de
tension, la sparation en dcembre 1905 de lĠEglise et de lĠEtat nĠest pas le
fait de quelques radicaux tel Emile Combes instigateur de la loi, mais
lĠaboutissement dĠun conflit larv entre les tenants dĠun enseignement laque
et les congrgations, qui se voient dĠailleurs interdire lĠenseignement en
1904.
Le
29-12-1904, sur injonction du prfet, le maire supprime le crdit de 60 francs
attribu au chantre, et suggre que le crdit de 60 francs sera allou aux
dpenses de rparation du presbytre et de lĠglise. Le 6-1-1905 cette
suppression est notifie en personne Edouard FRANOIS chantre. Le 7-1-1906,
faute de ressources, le conseil de fabrique ne prend plus a sa charge la
sonnerie de lĠAnglus du midi.
On
en arrive lĠpilogue du conflit des cloches. Le 13-3-1907, le maire met
lĠarrt suivant, reproduit in extenso :
Ç Le Maire de la commune dĠAcq, considrant que pour
assurer dans de bonnes conditions lĠordre et la rgularit dans les sonneries
civiles et religieuses qui seront effectues avec la cloche qui existe dans le
clocher, proprit communale, quĠil y a lieu de rglementer ces sonneries.
Considrant
quĠaucune association cultuelle nĠa t constitue dans la commune ;
Vu la
loi du 5-4-1884 articles 95 et 96 ;
Vu la
loi du 9-12-1905 article 27 ;
Vu le
dcret du 10-3-1906 articles 51, 52 et 53 ;
Vu la
loi du 2-1-1907 ;
Arrte :
1Ħ) Les
sonneries religieuses seront faites suivant les usages antrieurs, et de faon
assurer dans des conditions normales le service du culte ;
2Ħ) Les
sonneries civiles seront faites dans les circonstances ci-aprs :
á pour appeler les enfants
lĠcole ;
á pour annoncer lĠheure de fermeture
des dbits de boisson ;
á pour annoncer les heures des repas
et celles de la reprise des travaux aux ouvriers des champs;
á pour annoncer lĠouverture des
sances du conseil municipal ;
á pour annoncer lĠarrive du
percepteur en tourne de recette ou de mutation et celle du contrleur ;
á pour annoncer lĠheure de
lÔouverture et celle de la fermeture du scrutin les jours dĠlection ;
á pour annoncer les adjudications.
3Ħ) Il
sera galement procd des sonneries la veille et le jour de la fte
nationale et de la fte locale et pour telles autres ftes officielles
organises par lĠadministration communale ou avec son concours.
4Ħ) Les
cloches seront aussi sonnes lorsquĠil sera ncessaire de runir les habitants
pour prvenir ou arrter quelque accident de nature exiger leur concours,
comme les cas dĠincendie, dĠinondation, et dans tout autre cas de ncessit
publique.
5Ħ) La
sonnerie en vole est interdite pendant les orages.
6Ħ) Si
le clocher tant dans un tat de solidit insuffisante le mouvement de la
cloche prsentait un rel danger le maire pourra sur lĠavis conforme dĠun
architecte et aprs en avoir rfr au prfet interdire provisoirement les
sonneries.
7Ħ) Les
cloches ne pourront tre sonnes pour aucune autre cause que celles ci-dessus
prvues.
8Ħ) Le
maire reprsentant la commune aura une clef de lĠglise et du clocher ainsi que
le sonneur dsign pour excuter les sonneries civiles ; le cur en sa
qualit dĠoccupant de lĠglise aura galement une clef de lĠglise et du
clocher ainsi que le sonneur charg des sonneries religieuses.
9Ħ) La
gendarmerie et le garde champtre sont chargs de lĠexcution du prsent
arrt .
Fait
Acq le 13 mars 1907. Le maire : Gernez. È
Inventaire des biens
de lĠglise en 1906
Le 27-2-1906, le maire se prsente lĠglise aux fins de
lĠinventaire de ses biens, et trouve la porte ferme clef, le cur refusant
en plus dĠouvrir la sacristie. Il ordonne au garde-champtre de procder
lĠouverture de la sacristie. Le desservant met une protestation. LĠinventaire
des biens de lĠglise est bref, de nombreux objets appartiennent en propre au
cur : chasubles, missels, candlabres, ou proviennent de dons de fidles.
On signale un immeuble terre de 1 ha 88 ares dont lĠorigine de la proprit nĠa
pu tre dcouverte.
Quelle
conclusion apporter cet article, un sicle aprs ces incidents? Bien entendu,
pour un observateur de lĠan 2005, les querelles de sonneries de cloches
semblent risibles voire mme ridicules cause de lĠnergie
gaspille : courriers multiples entre le maire, le cur, le prfet,
lĠvque, runions de toutes sortes. Pour ce qui est du refus du maire dĠAcq
dĠune cole prive congrganiste, il nous semble que cette commune soit alors
un microcosme de la France avant la sparation de dcembre 1905, le maire
Benot Gernez pensant comme Waldeck-Rousseau quĠil y a Ç trop de
moines ligueurs È.
Par Marcel FOURNET et Michle
FOURNET-LEMAIRE
Note :
Le
climat est moins serein en 1900 quĠen 1791 entre la municipalit et le cur
dĠAcq puisque le 10 avril 1791, monsieur LEBLAN cur dĠAcq prte serment la
constitution civile du clerg :
Iconographie :
LĠglise dĠAcq vers 1900
Bnitier de lĠglise dĠAcq, en pierre de pays, dat de 1608 . (Objet class) |
Bas de la cloche de lĠglise dĠAcq, portant lĠinscription : GORLIER fondeur Frvent |
La cloche de lĠglise dĠAcq.
Aurait t fondue aprs 1793.
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Ci-contre :
dessin de lĠglise dĠAcq fait vers 1737, provenant de lĠinventaire des
proprits Acq des Carmes dchausss dĠArras. Source :
AD 62 srie I. |
[1] Photo communique par son arrire-petite-fille Monique GERNEZ.
[2] Source : AD62, F2O 58/9.
[3] Communiqu par madame CUISINIER qui demeure Acq.
[4] Sources : archives diocsaines dĠArras, aimablement communiques par monsieur BEIRNAERT conservateur.
[5] Sources : AD62 F EDEP7P1, ainsi que pour
quasiment tout ce qui suit.
[6] Extrait du registre des dlibrations du conseil municipal.